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Mafia Blues ou quand le parrain de la mafia souffre d'attaques de panique

Illustration: Julie K.

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La déconstruction de nos illusions culturelles : une étape-clef vers le mieux-être mental ?Morale de l'histoire : n'hésitez pas à demander de l'aide !L'aspect cinématographique du film : léger et divertissant mais...Aller plus loin

Lorsque Paul Vitti (joué par Robert de Niro), un parrain de la mafia new-yorkaise, se met à avoir des attaques de panique, il croise sur sa route un psychiatre du nom de Ben Sobel (joué par Billy Crystal). Alors que le premier se retrouve démuni face à sa santé mentale, le deuxième s'ennuie terriblement dans son travail d'écoute de ses patient·e·s. Par le fruit d'une rencontre improbable, une thérapie peu ordinaire va commencer dans laquelle Paul Vitti incarne le cliché du mafieux. Il est fier, bouillant, et dire qu'il est impulsif serait un euphémisme tant ses colères sont impressionnantes. À l'inverse, Ben Sobel est calme, à l'écoute et très intello. Il incarne, lui, le cliché du psychiatre toujours en recul par rapport aux situations.

Paul Vitti est fier, bouillant, et dire qu'il est impulsif serait un euphémisme tant ses colères sont impressionnantes. À l'inverse, Ben Sobel est calme, à l'écoute et très intello.

Cette comédie burlesque va donner lieu à des scènes tout à fait improbables. Un exemple serait (spoiler alert), sans aucun doute, la scène où Ben essaye de faire comprendre à Paul ce qu'est le complexe d'Oedipe. Quand ce dernier apprend qu'il a possiblement essayé d'écarter son père pour séduire sa mère, notre mafioso en est dégoûté au point où les injures sur Freud et la Grèce antique fusent dans l'air. Comment, dans ce décor, imaginer le parrain de la mafia se confiant à ce psychiatre, psychiatre qui va devoir risquer sa vie pour tenter de sortir d'affaire ce patient peu ordinaire ? Je ne vous en dévoile pas plus. Cependant, j'aimerais revenir sur le thème sous-jacent abordé par ce film et qui nous intéresse chez Insane : la santé mentale !

 

La déconstruction de nos illusions culturelles : une étape-clef vers le mieux-être mental ?

Robert de Niro incarne dans ce film le cliché de l'homme viril : imbu de lui-même, fier comme un coq, incapable de demander de l'aide et c'est peu dire ! Ses attaques de panique le déstabilisent profondément. Il va devoir mettre en parenthèse toutes ses pulsions pour arriver à se rendre plus vulnérable, à exprimer ses sentiments pour que son psychiatre puisse l'aider à trouver le chemin de l'apaisement. Seulement la tâche est ardue. En effet, comment mettre de côté des milliers d'années d'évolution pendant lesquelles la férocité a été un déterminant important de la survie ? Comment admettre que le danger est créé par son inconscient, et, non pas par un élément extérieur à lui ? Enfin comment va t-il devoir travailler sur lui-même pour calmer ces attaques de panique ? C'est bien le problème dans les sociétés occidentales qui survalorisent la force brute et l'indépendance au détriment de l'introspection pacifique. Nous avons l'illusion qu'à partir du moment où nous nous montrons vulnérables, nous sommes faibles. Pourtant c'est tout l'inverse, reconnaître que j'ai besoin d'aide et arriver à le formuler est une force. Nous aurons tou·te·s, à un moment donné, besoin de cette force et je pense qu'il est grand temps de commencer à la cultiver.

Nous avons l'illusion qu'à partir du moment où nous nous montrons vulnérables, nous sommes faibles. Pourtant c'est tout l'inverse, reconnaître que j'ai besoin d'aide et arriver à le formuler est une force.

Si ce film est aussi intéressant au-delà de l'aspect cinématographique, c'est parce qu'il propose de remettre une de nos illusions culturelles en question, et, par extension pose cette question : devons-nous rester prisonnier·e·s de notre évolution ou devons-nous déconstruire certains aspects du lourd fardeau qu'elle nous a légué ? Déconstruire, si possible avec bienveillance et humour, nos vieux schémas et accepter qu'ils soient erronés, c'est aller vers le mieux-être durable. À l'inverse, persévérer avec force dans l'erreur, sans se poser de questions, est très dommageable sur le long terme puisque, au final, c'est le collectif tout entier qui en souffre. Dans le film, Robert de Niro rompt la loi du talion (oeil pour oeil, dent pour dent) qui prévalait jusque-là au sein de la mafia car il a trouvé la paix intérieure. Le film laisse alors suggérer que tout le monde s'en portera mieux.

Déconstruire, si possible avec bienveillance et humour, nos vieux schémas et accepter qu'ils soient erronés, c'est aller vers le mieux-être durable.

Au final, le message est très positif car si Robert de Niro, alias Paul Vitti, a réussi, pourquoi pas n'importe qui ? De nombreuses personnes souffrent, parfois en silence, pendant longtemps avant de sauter le pas mais le message du film est que c'est faisable, alors pourquoi pas vous ?

 

Morale de l'histoire : n'hésitez pas à demander de l'aide !

Comme Paul Vitti, vous souffrez d'attaques de panique ? Vous avez des symptômes qui vous laissent penser que votre santé mentale est malmenée ? Ou vous avez tout simplement un doute ? Vous pouvez consulter notre article "Je vais mal, que faire ?" qui vous proposera des solutions concrètes pour aller mieux. Même si vous avez un simple doute, autorisez-vous à le lever ! De nombreuses personnes sont là à votre écoute et sont prêtes à vous tendre la main.

 

L'aspect cinématographique du film : léger et divertissant mais...

Mafia Blues relève sans conteste du genre de la comédie plus que du film mafieux. Il ne faut pas s'attendre donc à des scènes à couper le souffle, loin de là. Sinon il vaut mieux passer son chemin et s'il y a quelques fusillades, elles ne sont pas très bien faites et servent juste à mettre en exergue le fait que le milieu mafieux est résolument farouche. Cependant, les codes de la mafia new-yorkaise sont bien là, notamment les costumes trois pièces et les réunions entre mafieux des différents quartiers de la capitale américaine. Sur le plan purement cinématographique et technique, il n'y a rien d'incroyable : les plans sont très lents, ce qui peut conférer au film un côté ennuyeux parfois. Enfin, le scénario de l'histoire est un peu facile et manque de profondeur. En effet, il y a peu de personnages secondaires intéressants sauf Chazz Palmenteri qui a joué dans le film devenu célèbre "Il était une fois le Bronx". Ce dernier a le rôle du mafieux sanguinaire et permet, de manière assez facile, de mettre en valeur le changement qui s'opère dans le tempérament de Paul Vitti, qui, lui, s'apaise au fur et à mesure du film.

Là où le film excelle, je trouve, c'est dans le fait d'aborder de façon légère et détournée le sujet de la santé mentale, sans la nommer, à une époque où c'est vraiment un tabou.

Qu'en est-il du film globalement : est-ce une bonne comédie ? Personnellement, je ne recommanderais pas forcément le film à quelqu'un qui cherche à rire. Il y a deux ou trois scènes qui valent vraiment le coup, certes, mais c'est tout. Là où le film excelle, je trouve, c'est dans le fait d'aborder de façon légère et détournée le sujet de la santé mentale, sans la nommer, à une époque où c'est vraiment un tabou.

 

Pour la petite histoire, Martin Scorsese aurait refusé de tourner le film. Billy Crystal et Robert de Niro se seraient alors lancés le défi de le tourner eux-mêmes avant de finalement trouver un réalisateur en la personne de Harold Ramis. Je ne peux, donc, que m'incliner devant tant de bonne volonté de la part d'acteurs qui semblent mettre leur coeur avant tout dans leurs décisions de carrière.

 

Aller plus loin

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