Insane survit grâce à vos dons. Si le magazine vous a été utile, pensez à faire un geste !

MENTAL, la série sans tabou sur la santé mentale des jeunes adultes

Illustration: Tony H.

Après nos quelques conseils pour prendre soin de vous et de vos proches pendant le confinement, Insane revient pour vous aider à vous divertir! La saison 1 de MENTAL, ce sont 10 épisodes de 20 minutes qui traitent de la santé mentale chez les jeunes adultes, de l’intérieur, avec humour et sans tabou, puisqu’elle se passe dans une clinique psychiatrique. Un très bon moyen de s'échapper de son canapé pour s’aventurer dans le monde peu connu du quotidien des personnes diagnostiquées avec des troubles mentaux.

 

Personnellement, je ne me suis jamais faite hospitaliser dans un établissement psychiatrique, et je n’ai donc aucune idée de ce à quoi peut ressembler la vie d’une personne ayant une maladie mentale devant se faire soigner dans un établissement spécialisé. Le peu d’images qui me viennent sont tirées d’un imaginaire collectif très hollywoodien comme Shutter Island, Un Homme d’Exception, Awakenings (L’Éveil en français), sans parler de la saison 2 d’American Horror Story qui joue sur les plus gros clichés de l’histoire des clichés sur les hôpitaux psychiatriques. Bref, des versions romancées et/ou exagérées où les malades et l’hôpital ne sont que des éléments de contexte. Du coup, je dois dire que je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec MENTAL, car nombre d’écueils sont possibles quand on parle de maladies mentales sur petit ou grand écran, et la liste de références personnelles que je viens de vous donner devrait suffire à vous en convaincre. Cependant, et contre toute attente, MENTAL s’est révélée très vite comme une série rafraîchissante, moderne, et avec des personnages complexes qui renvoient à bon nombre d’interrogations sur la santé mentale. Vous l’aurez compris: somme toute une série très efficace, et voici pourquoi selon moi.

 

Premièrement, vous venez de lire toute une introduction sans savoir exactement l’intrigue de l’histoire, donc je vais arrêter là le suspens. Le premier épisode commence dans une voiture de police, et on comprend que le jeune Marvin, pas encore majeur mais presque, se fait imposer un séjour en clinique psychiatrique sur décision de justice. On ne sait pas ce qu’il a fait, on ne sait pas pourquoi il entre en hôpital psychiatrique, et lui non plus d’ailleurs. On le suit dans ses rencontres avec trois autres personnages : Simon, Estelle et Mélodie.

 

Pour moi, le premier élément qui m’a captivé est là, dans le scénario même et la construction des personnages. On veut en savoir plus sur tout le monde, comprendre pourquoi ils et elles se sont retrouvés là alors qu'on est loin des dangereux psychopathes en camisole que l’on nous sert d’habitude. Un peu excentriques tout au plus, mais c’est ce qui fait leur originalité, leur complexité et aussi ce qui les rend attachant·es. Pour beaucoup de personnages, l’histoire aurait pu se passer dans un lycée et cela ne m’aurait pas choquée, du moins vu de l’extérieur car on comprend rapidement qu’Estelle a des hallucinations auditives et visuelles par exemple. J’étais donc curieuse d’en savoir plus sur eux et elles car, sans vouloir en dire trop, la série nous emmène de révélation en rebondissements justement en se basant sur les spécificités des maladies des personnages. L’intrigue prend une autre dimension dans le sens où la maladie devient un paramètre supplémentaire des interactions entre les personnages, en plus de l’environnement ou des sentiments.

L’intrigue prend une autre dimension dans le sens où la maladie devient un paramètre supplémentaire des interactions entre les personnages, en plus de l’environnement ou des sentiments.

Plus généralement, la question de la maladie et tous les éléments gravitant autour sont des sujets bien entendu prépondérants dans la série, et je pense que c’est ce point-là qui me faisait redouter que la “légèreté” de la série en pâtisse. Malgré cette difficulté, MENTAL réussit à être non seulement juste (c’est-à-dire à éviter le pathos) mais aussi et surtout drôle. L’humour est certes assez noir, mais cela fait partie des éléments rafraîchissants de la série: ce sont avant tout des jeunes adultes qui se cherchent, se chamaillent, à la langue bien pendue et à la créativité débordante. D’ailleurs, parmi les sujets récurrents de la série, on retrouve le sexe, l’amitié, les réseaux sociaux ou encore la découverte de soi qui nous rappellent le public cible de la série.

 

Pour autant, cela ne veut pas dire que la série passe sous silence les difficultés éprouvées par les personnages à cause de ces mêmes maladies. La série illustre très bien par exemple la question des médicaments. Que faire lorsque que l’on ne se reconnaît plus à cause de leurs effets secondaires? Simon, présentant un trouble de la personnalité borderline, a par exemple peur de se perdre et de perdre sa créativité à cause des médicaments qu’il prend. Pour lui, sa maladie, ce sont avant tout des émotions et une sensibilité trop fortes et non acceptées par la société. En un sens, la maladie est une part de lui qu’il ne veut pas perdre complètement, mais d’autre part, comme le dit très bien la psychologue de la série, jouée par Nicole Ferroni : “sans le traitement, c’est la maladie qui décide pour vous”.

“Sans le traitement, c’est la maladie qui décide pour vous”.

MENTAL, France TV Slash

Les relations avec les autres sont aussi abordées, notamment les liens avec les parents et les soignant·es, mais aussi le rapport avec la réalité. Cela est très bien représenté et exploité dans la série via le personnage d’Estelle, qui a des hallucinations à cause de sa schizophrénie. Il est donc difficile de savoir parfois si ce que nous voyons est la réalité objective, ou celle d’Estelle. La réalité semble aussi altérée pour Marvin, qui n’a pas conscience d’être malade et ne voit donc pas l’intérêt de se soigner. Le personnage de Marvin rappelle ainsi que le fait même d’admettre d’avoir un problème mental n’est pas chose aisée car la maladie devient peu à peu la norme ou peut prendre plusieurs formes.

 

La question de l’après se fait aussi de plus en plus présente à mesure que les épisode se succèdent, avec l’idée que l’entrée en clinique psychiatrique est difficile, mais que la sortie l’est tout autant. On le voit à travers le personnage de Mélodie, qui est la première à sortir. Autrement dit, la série ne nous épargne pas toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes ayant des maladies mentales et permet de mieux comprendre leur quotidien et leur réalité. MENTAL n’est donc pas une série romance pour ado qui a la spécificité de se passer dans une clinique psychiatrique. On ne ménage pas le spectateur : la réalité nue de la maladie reste omniprésente dans la construction des personnages, leurs interactions et l’intrigue en général. Ce point est très important car c’est précisément cela qui sauve la série du cliché, du moins pour moi qui n’ai pas beaucoup d’expérience en matière de soins psychiatriques.

 

Cependant, si l'on compare avec la série finlandaise dont elle a été adaptée, SEKASIN, on se rend compte que MENTAL nous ménage un peu plus: SEKASIN va beaucoup plus loin dans la représentation de la maladie, avec des scènes de tentative de suicide, de traitement de la dépression par électrochoc ou encore une scène très graphique de traitement du priapisme, un des effets secondaires de certains antidépresseurs. Cela se ressent même dans l’ambiance et les couleurs des deux séries: celles de MENTAL sont pop et flashy, avec beaucoup de références à l’art et la créativité, le tout accompagné d'une bande-son très efficace. Les tons dominants dans SEKASIN sont plutôt vert foncé, gris, blanc, noir, pourpre, avec des décors épurés et peu de musique. La série finlandaise est en général beaucoup plus cynique, avec par exemple un chef de service ayant lui même des TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs) ou l’équivalent du personnage de Marvin, Eetu, dont le père pense que la situation de son fils peut s’arranger avec des filles, de la drogue et de l’alcool. Les scénaristes de MENTAL s’appuient en revanche de façon plus subtile sur les maladies des personnages afin de créer des retournements de situation captivants et intelligents.

 

La série française est donc une version “édulcorée” de SEKASIN au niveau de la forme, mais pour le meilleur selon moi, car cela rend MENTAL vraiment plaisante à regarder, tout en gardant un message principal clair, efficace, instructif mais qui fait aussi réfléchir.

N’est-ce pas tout ce que l’on attend d’une bonne série?

 

L'interview de Line, psychologue partenaire d'Insane
Être soi ailleurs, être ailleurs chez soi : petits conseils tirés de l’expatriation pour mieux vivre le changement