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L'interview de Line, psychologue partenaire d'Insane

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Line Mourey est psychologue, c'est même la psychologue partenaire d'Insane, c'est-à-dire qu'elle vérifie que les articles ne racontent pas n'importe quoi : que les notions de psychologie sont employées correctement et que les conseils donnés sont bons et légitimes. Aujourd'hui, c'est à son tour de répondre aux questions d'Insane. Bonne lecture !

 

Insane : Peux-tu me rappeler dans quelle structure tu travailles la majorité de la semaine, et quel public tu y reçois ?

 

Line : Dans ma profession de psy, j'ai deux statuts ! Je suis à la fois psychologue salariée contractuelle dans une maison des adolescents et de leurs parents, à mi-temps. Je reçois donc des adolescents, de jeunes adultes ainsi que leurs proches (12 ans /25 ans et les parents). Et je suis à la fois psychologue psychothérapeute en auto-entrepreneure. C'est à dire que j'ai mon propre cabinet en libéral dans lequel j'accueille des adolescents et des adultes à raison d'une journée par semaine.

 

Insane : Comment fais-tu pour ne pas t'écrouler sous le poids des difficultés que te rapportent les gens dans ton cabinet (hors le fait de te détendre regulièrement, comment te tiens-tu à distance émotionnellement des histoires qui te sont racontées) ? Vois-tu toi aussi un·e psychologue ? Si oui, comment l'as-tu trouvé·e, as-tu immédiatement trouvé la bonne personne, et quels critères ont été essentiels dans ton choix ?

 

Line : C'est une question qui revient assez régulièrement dans les questionnements des patients. "Mais comment faites-vous pour faire ça toute la journée et tous les jours ?!".

Je dirai que dans un premier temps, le psychologue a appris à maintenir une « juste distance » entre lui et son patient. Bien qu'il fasse preuve d'empathie, le psy ne vivra pas les émotions de son patient. Il l'accompagnera dans ses émotions, dans son mouvement psychique. De son côté, le psy n'est pas un être insensible 100% neutre. Il pourra lui aussi ressentir des émotions, des sensations, une lourdeur parfois mais son travail est de questionner ce qu'il éprouve dans la relation. C'est pour cela qu'il rencontre un superviseur et qu'il fait de l'analyse de la pratique. Le psy rencontre donc en gros, des psys pour psys. Avec son superviseur, le psy va donc travailler ses affects, va les remettre en question : "En quoi le discours du patient fait résonnance en moi ? Qu'est ce qu'il se joue d'un point de vue contre-transférentiel ? Qu'est-ce qui me touche, pourquoi ?". Donc oui, les psys voient des psys ! Pour ma part, en institution, nous bénéficions d'une analyse de la pratique et pour ma pratique libérale, je participe à un groupe d'intervision (un rassemblement de plusieurs psys pour échanger) mais j'ai également une supervision individuelle. Ce qui est le plus important à mon sens lorsqu'on rencontre un psy c'est le lien de confiance qui se tisse. J'ai besoin de me sentir libre de dire tout ce qu'il me passe par la tête, besoin de ne pas me sentir jugée, besoin de me sentir comprise et entendue dans mes questionnements. Pour ma supervision individuelle, j'ai dû rencontrer 2 psys avant de trouver le professionnel qui me convenait !

Dans un second temps, je dirais que même si nous travaillons beaucoup en position assise, nous ne ressortons pas moins fatigué·es (psychiquement) de nos journées. L'une des fonctions du thérapeute est de porter psychiquement les personnes qu'il rencontre. Et cela demande beaucoup d'énergie ! C'est pourquoi, il m'est essentiel de trouver le bon équilibre entre vie professionnelle, vie personnelle, vie sociale, activité physique, moment de détente afin de me ressourcer et poursuivre sereinement mon métier.

 

Insane : Pourquoi as-tu choisi de te former aux TCC (Thérapies Cognitivo-Comportementales) ? Peux-tu nous donner un exemple de quelque chose que tu as appris et qui t'a surprise ?

 

Line : De base, je suis diplômée d'un bac+5 en psychologie clinique, psychopathologie, clinique du couple et de la famille. Ma formation initiale est d'orientation "analytique". Je tiens tout de même à souligner que je ne suis pas psychanalyste pour autant, je reste psychologue ! Étant relativement curieuse et touche-à-tout, j'avais tout simplement envie de compléter ma formation, de m'outiller davantage et de pouvoir m'adapter au mieux aux besoins des personnes que je rencontre. Certains préfèrent l'analytique, certains préfèrent les thérapies cognitivo-comportementales, certains aiment l'alliance des deux. Je trouve que ces deux formations sont très complémentaires et je suis ravie d'avoir été formée à ces deux types de psychothérapie.

Ce qui m'a le plus surprise en commençant ma formation TCC, c'est de me rendre compte que naturellement, je proposais dans mes psychothérapies des exercices TCC sans savoir que j'en faisais. Les TCC sont finalement très instinctives et logiques.

 

Insane : Pourquoi as-tu choisi de te former à l'hypnose (et laquelle) ? Utilises-tu cette méthode régulièrement ?

 

Line : C'est pendant mon cursus universitaire que j'ai commencé ma formation en hypnose. Je ressentais le besoin de "plus", de "concret", d'outils. A cette époque, je crois que je saturais de tout cet apprentissage théorique.

A ce jour, ma formation en hypnose n'est pas terminée. Etudiante, je manquais de moyens financiers. Ce n'est donc pas un outil que j'utilise dans ma pratique professionnelle. Cependant, je me sers de temps en temps de l'auto-hypnose dans ma vie personnelle. J'espère pouvoir poursuivre ma formation en hypnose (ericksonienne, humaniste, nouvelle hypnose) bientôt !

 

Insane : Quelle réaction ont eue tes proches (famille, ami·es, professeur·es...) lorsque tu leur as annoncé que tu t'engageais dans des études pour devenir psychologue ? Est-ce que l'une de ces personnes a eu une influence particulière sur ton choix de profession (de façon directe, par exemple en te disant que tu devrais te tourner vers une profession au service des autres) ?

 

Line : Depuis toute petite, je rêvais de devenir "docteur des soucis" et "couettologue" (= psychothérapie avec l'aide d'une couette/couverture). Ne cherchez pas, le deuxième métier n'existe pas. Ma famille m'a donc toujours encouragée à suivre mes choix, elle a été un vrai soutien.

Au niveau scolaire et plus précisément en terminale, je me souviens avoir été convoquée par mon professeur principal pour discuter de mon avenir professionnel. Je me rappelle parfaitement avoir entendu : "Line, c'est une voix de garage, il n'y a pas d'emplois. Tu peux t'orienter vers autre chose". Aujourd'hui adulte, je comprends sa démarche. Il faut dire qu'à 17 ans, nous n'avons pas le même sens des responsabilités qu'un adulte ni le recul nécessaire pour avoir conscience des conséquences de nos choix, des difficultés du monde réel. Déterminée et un peu butée, j'ai donc foncé tête baissé en fac de psycho, comme une bonne adolescente !

 

Insane : Comment t'es-tu sentie la première fois que tu as reçu un·e client·e ?

 

Line : Pas très à l'aise, je dois bien l'avouer. Je me demandais si j'allais être à la hauteur, si j'allais décevoir la personne en face, si j'allais pouvoir lui apporter quelque chose dès la première rencontre. J'ai beaucoup lu avant de recevoir du monde, je pensais "maîtriser" mon angoisse de la sorte, reprendre un peu de contrôle. Pour résumer, j'ai ressenti le complexe de l'imposteur, comme beaucoup de jeunes actifs je pense. Mais cela s'est très bien passé !

 

Insane : Peux-tu me parler de ce moment de burn-out que tu as vécu lorsque tu as essayé de faire trop de choses en même temps ? Comment t'en es-tu sortie ?

 

Line : Comme beaucoup de jeunes actifs, j'ai pu ressentir un fort complexe de l'imposteur lors de mes premiers mois d'exercices. Ce complexe générait en moi beaucoup d'anxiété, de pression. Je voulais bien faire, trop bien faire, un peu trop parfaitement. Sauf que faire les choses parfaitement, c'est déjà impossible alors faire les choses parfaitement quand on est jeune professionnelle : mission impossible. Pression maximale, je cherchais donc à contrôler mon stress en lisant énormément, me renseignant sur tout, partout. En parallèle de mon travail de psy, je gérais également mon blog à côté, ce qui m'apportait aussi pas mal de pression. Pression que je me mettais toute seule, on est bien d'accord ! Et je crois que j'ai été à un moment donné complètement submergée et épuisée psychiquement. Ignorant les signaux d'alarme de mon corps, j'ai fait ma première (et ma seule) attaque de panique. Cette alerte, je l'ai prise très au sérieux et je me suis questionnée. Je me suis demandée pendant plusieurs jours de quoi j'avais besoin, ce qu'il me manquait afin de retrouver mon équilibre, afin de retrouver une sérénité. J'ai donc mis en place de nombreuses choses : un suivi psychologique pour travailler sur mon anxiété, j'ai repris le sport. D'un temps plein institutionnel, je suis passée à mi-temps. Et j'ai également réinvesti ma vie sociale mise de côté. Bref : j'ai repris le temps de vivre.

Une fois ma stabilité retrouvée, j'ai pu reprendre le blog et débuter mon activité libérale à raison d'un jour par semaine. Aujourd'hui, je travaille donc officiellement à 70%. Les 30% restant me servent pour me reposer, profiter de mes proches, me détendre, et alimenter mon blog. Aujourd'hui, je suis davantage à l'écoute de mon corps et dès que je ressens une pression de manière inhabituelle, je m'adapte et rectifie le tir avant que la situation dégénère.

Finalement, avec du recul, je me dis que j'ai mis à profit ce pétage de plombs !

 

Insane : Peux-tu me parler de ton expérience de travail en association de soutien aux femmes victimes de violences, même si cette expérience était relativement courte ?

 

Line : Très vite après l'obtention de mon diplôme, j'ai eu l'occasion de faire un remplacement de congé maternité dans une association qui lutte contre les violences familiales et conjugales. Cette première expérience professionnelle, qui a duré environ 6 mois, a été très riche en apprentissage !

J'ai pu accompagner de nombreuses femmes victimes de violences, leurs proposer une psychothérapie gratuite et les orienter auprès d'autres partenaires essentiels (avocats, juristes, aide pour le logement, police, assistantes sociales). J'ai pu découvrir cette thématique des violences, de la victimologie que je connaissais encore assez peu. J'ai pu accueillir la première parole de ces femmes, souvent difficile à verbaliser à cause de la honte ou de la peur de ne pas être crue. Ensemble, nous avons pu retracer leur histoire familiale, les traumatismes qu'elles avaient vécus. Nous avons aussi questionné ce qu'il se passait dans leur couple, les violences subies et travaillé sur l'emprise. Toutes ces rencontres avaient pour objectif de les aider à retrouver leur appareil psychique, leur appreil à penser et qu'elles puissent délibérement choisir de rester dans ce couple et de le transformer, ou de partir.

Cette expérience m'a également appris à sortir de ma neutralité bienveillante. Habituellement, et c'est ce qu'on m'a appris à l'université, on demande aux psys d'être en toutes circonstances neutres et de ne pas évoquer leurs opinions. Or, dans un contexte de violence, c'est l'inverse ! On se doit de reposer clairement la loi et nous avons la possibilité de fournir des attestions soulignant l'influence des violences sur la santé de la victime.

Même si cette expérience a été courte, j'utilise tout ce que j'en ai appris au quotidien, à mon cabinet !

 

Insane : Que conseillerais-tu aux lycéen·ne·s qui songent au métier de psychologue ?

 

Line : Je leur conseillerais de prendre le temps de discuter avec des psychologues pour mieux cerner le métier, pour mieux connaître la réalité du terrain avant de s'inscrire à la fac. Certaines fois, la vision du métier n'est pas tout à fait exacte et est très idéalisée. Dans l'année, il m'arrive de recevoir quelques jeunes et d'échanger avec eux. Je pense que cela fait aussi partie de mon travail que d'informer sur mon métier les potentielles nouvelles recrues ! Je leur parle donc des différentes formes de psychologie (clinique, sociale, développementale, cognitive...) dans lesquels se cachent plusieurs courants de pensée. Par exemple : dans la psychologie, on peut s'orienter en psychologie clinique et ensuite s'orienter en psychologie clinique d'orientation analytique ou d'orientation TCC, d'orientation intégrative, humaniste, systémique....

Je précise également toujours que la psychologie est une science et que comme dans tout enseignement scientifique, il y a des mathématiques, de la biologie et de l'anglais. Nous discutons aussi de l'avenir et donc des débouchés, des prestations salariales auxquelles ils peuvent prétendre, des stages à chercher, de la sélection pour entrer en master... J'essaye donc de les informer et de les préparer.

Mon objectif n'est pas de les décourager. Au contraire, ce métier est passionnant ! Mais de les préparer à la réalité.

 

Insane : As-tu déjà constaté que certain·es de tes proches n'allaient pas bien et auraient besoin de consulter un·e psychologue (et/ou psychiatre) ? Leur as-tu donné ce conseil, et si oui comment l'as-tu formulé ?

 

Line : En tant qu'humain, nous sommes tous confrontés à des difficultés ou à des événements douloureux dans notre vie. C'est donc tout naturellement que j'ai pu voir certains de mes proches confrontés à des périodes délicates.

Pour la plupart, aller chez le psychologue n'est pas quelque chose de tabou, je n'ai donc rien à faire. Pour d'autres en revanche, aller chez le psy est une démarche plus compliquée. Je leur parle donc de la possibilité de rencontrer un professionnel pour les accompagner et nous parlons de leurs craintes, de leurs freins, ce qui me permet de détricoter aux passages quelques préjugés sur ma profession. Et je m'arrête là ! Je suis leur fille, leur compagne, leur nièce ou leur amie, je ne suis pas leur psy. Chacun sa place. D'autant plus que les psys ne sont pas la seule réponse face à un mal-être. On peut trouver un soutien auprès d'un médecin, d'un sophrologue, d'un coach sportif... tout dépend bien sûr de la sévérité de la situation.

 

Insane : As-tu des proches (conjoint, parents en particulier) qui craignent ou ont craint à un moment que tu ne les "analyses" secrètement et s'en sont senti·e·s mal à l'aise ? Comment as-tu géré cela ?

 

Line : Comme vu précédement, mon méier est bien accepté par ma famille et je reste à ma place de « non professionnelle » à leurs côtés. Je n'ai donc jamais été confrontée à ce genre de craintes, non. Mais c'est une réticence que j'ai pu retrouver avec des connaissances, des amis d'amis queje rencontrais lors de soirées. Selon leur réaction et selon mon humeur du moment, je ne réagissais pas de la même manière. Si j'avais sur le moment de l'énergie, je leur parlais de mon travail. En effet, cette crainte d'être analysé à tout va est légitime mais elle vient souligner la méconnaissance de notre métier. Et si j'étais plutôt d'humeur taquine ou fatiguée, je leur expliquais que je pouvais les analyser, mais que cela dépendait de combien ils avaient sur eux, que je ne travaillais pas gratuitement ! En soirée, avez-vous peur qu'un proctologue observe votre anus, sans votre consentement ? Pour les psys, c'est pareil. On n'analyse pas

les gens comme on respire, c'est un acte volontaire et contrôlé, qui demande l'accord des 2 protagonistes. Et en soirée, moi, je ne suis pas d'accord ni disponible pour analyser autre chose que mon assiette.

 

Insane : Dans quelle mesure tenir ton blog régulièrement a-t-il eu une influence sur toi ? Qu'as-tu appris depuis 2 ans que tu l'alimentes à raison d'un article par mois ?

 

Line : J'ai longtemps été réticente à l'idée de tenir un blog de psy. J'avais peur des jugements, peur de dire des bêtises, peur de ne pas être à la hauteur. Encore aujourd'hui, quand un abonné se désinscrit de la newsletter, c'est une remise en question. Malgré tout, le fait de tenir ce blog m'a permis de gagner en confiance en moi, de me documenter davantage, de développer de nouvelles comptétences comme la vulgarisation de concepts psy, de pédagogie ainsi que l'utilisation d'outils informatiques et de communication (Wordpress, SEO, référencement, Canva). Aujourd'hui, je suis fière de mon travail et alimenter ce blog me donne beaucoup de plaisir. J'aime communiquer sur mon métier et ma pratique, informer les lecteurs et leur donner quelques petits outils pour améliorer leur quotidien.

J'aime tellement ce que je fais en ligne que j'espère pouvoir développer à l'avenir un

magazine psycho sur le web !

 

Insane : Peux-tu me parler de cette envie de lancer un média dédié à la psychologie ? Et de ton évolution de carrière ?

 

Line : Je fais certainement preuve d'une grande naïveté mais j'espère à l'avenir voir mon blog grossir et le transformer en web magazine de psycho, ou alors m'associer avec quelqu'un qui aurait le même objectif. Écrire sur la psychologie et le bien-être, informer, conseiller me plaît énormement. Alors pourquoi pas poursuivre dans cette voie ?

Mon deuxième rêve serait de faire une bande dessinée sur les psys, d'évoquer avec humour les clichés qui pèsent sur nous, ce qu'il nous passe par la tête, etc...

Plus concrètement maintenant, je me vois toujours être sur le "terrain", recevoir du monde à

mon cabinet et poursuivre mes formations. Mais peut-être, à mi-temps.

 

Insane : S'il y en a une, où traces-tu la ligne entre "prendre soin de soi" pour toute personne (grosso modo ce que peut recommander un magazine féminin) et "prendre soin de sa santé mentale" pour quelqu'un qui a une maladie mentale à gérer au quotidien ?

 

Line : Vaste sujet également. Qu'est-ce que prendre soin de soi ? Je pense que la réponse est très personnelle. Je vais donc essayer de faire une réponse assez générale et à vous de l'adapter selon vos besoins ! Prendre soin de soi peut passer par :

 

  • une activité physique régulière. Cela a pour objectif de vous garder en bonne forme physique et d'évacuer les tensions stockées dues au stress.

 

  • une alimentation saine. Comme vu précédement, pour rester en pleine forme bien sûr mais aussi pour limiter les excitants (jus de fruit, cigarette, alcool, café) qui pourront favoriser et maintenir le stress. Se faire plaisir de temps en temps est largement recommandé !

 

  • une durée de sommeil correcte. Le sommeil est très important pour notre forme mais aussi pour notre moral. Épuisé, nous aurons plus de mal à faire face aux pressions de la vie quotidienne et les idées négatives peuvent nous envahir.

 

  • Prendre soin de soi passera aussi par une vie sociale ! Se sentir entouré, écouté, rire ou se confier est essentiel. Acceptez également les moments de solitude qui peuvent être ressourçants.

 

  • Vivez et exprimez vos émotions, sinon gare à la cocotte minute !

 

  • Identifiez et verbalisez vos besoins. S'écouter, respecter ses limites, s'affirmer, ça fait un bien fou.

 

  • S'organiser pour ne pas se sentir submergé.

 

  • Pour les personnes plus vulnérables que d'autres, je dirais qu'il est important de bien se connaître et d'identifier les signaux d'alerte pour mettre en place des "temps ressources", faire preuve d'adaptation avant d'atteindre le pic de la crise.

 

Insane : Es-tu en lien avec d'autres médecins (généraliste, psychiatre...) ou travailleurs sociaux / travailleuses sociales, pour tes client·es ? Si oui, qu'est-ce que cela t'apporte dans ta pratique de psychologue ? Sinon, aimerais-tu que cela soit le cas ?

 

Line : Dans ma pratique institutionnelle, je suis au quotidien au contact d'éducateurs, d'assistants sociaux, de médecins psychiatres ou de généralistes. Leurs diverses expertises m'apportent un éclairage absolument complémentaire sur la situation de la personne que je rencontre. Travailler ensemble, en pluridisciplinarité, est un vrai plus pour le professionnel et le patient. On considère le patient dans son ensemble, tant sur le plan psychique, que médical, que financier, projet de vie, aide sociale et nous l'accompagnons sur ces différents thèmes.

Dans mon cabinet libéral, je suis davantage isolée. Mais, je mets un point d'honneur à me mettre en lien avec les autres professionnels qui gravitent autour de la personne afin de proposer une prise en charge très précise et adaptée au mieux. Les psys ne sont pas tout-puissants, le regard d'autres professionnels est très riche pour le patient.

 

Insane : As-tu déjà eu des client·es pour qui le fait que tu sois plus jeune qu'eux/elles a été

un souci ?

 

Line : Ayant un visage relativement juvénile, surtout au début de ma carrière, c'était l'une de mes craintes. À ma grande surprise, je n'ai eu aucune remarque en ce sens ! Je crois que l'attitude professionnelle, plus que la jeunesse, est importante.

L'un des clichés qui colle aux psys est qu'ils doivent être vieux pour être efficaces. Dans l'imaginaire collectif « vieux = expérimentés ». Or, est-ce qu'un psychologue homme ne pourrait pas accompagner une femme enceinte sous prétexte qu'il ne portera jamais la vie ? Dois-je forcément avoir des enfants pour accompagner des parents dans leurs difficultés liées à la parentalité ? Je pense que mes formations, mes lectures, mes divers apprentissages et expériences me permettent d'accompagner les personnes quel que soit mon âge.

 

Insane : D'où te viennent la plupart de tes client·es au cabinet (Internet, bouche-à-oreille,

recommandation par des généralistes ou psychiatres...) ?

 

Line : Au début de mon activité libérale, une grande majorité des personnes que je rencontrais venait de la plateforme Doctolib. Cet outil est très efficace puisque l'on peut prendre RDV hors ouverture des secrétariats, on a accès à l'agenda du professionnel (prendre rdv, déplacer le rdv, annuler, comparer les disponibilités) et pour les personnes anxieuses / timides, passer en ligne est plus simple. Cependant, je peux remarquer une certaine "consommation du soin" dans le sens où beaucoup de RDV sont pris de manière impulsive sans réelle demande de psychothérapie derrière. Dernièrement, j'ai eu une personne qui a pris RDV à 3h du matin et qui le jour du RDV, au moment du sms de rappel, l'a annulé. Nous avons donc beaucoup de RDV pris mais pas honorés.

En revanche, depuis quelques temps, je reçois des patients qui viennent grâce à mon blog, suite à des recommandations de certains médecins ou d'anciens patients satisfaits. Doctolib a donc été un outil très efficace au début de ma pratique, pour me faire connaître mais je remarque de plus en plus que je suis maintenant identifiée dans la ville dans laquelle j'exerce et j'entends de bons retours. Les patients viennent désormais par le bouche-à-oreille !

 

Insane : Quel est LE préjugé (négatif ou positif !) sur les psychologues que tu aimerais voir démantelé ?

 

Line : Vaste question, il y a tellement ! "Les psys sont fous", "les psys sont pour les fous", "les psys aiment l'argent", "les bons psys sont vieux", "les psys analysent tout le monde, tout le temps" ou encore "les psys n'ont pas de problèmes, EUX !".

Au vu de cette interview, je crois qu'il est important de souligner que ce n'est pas parce qu'on est psy qu'on est immunisé contre les difficultés de la vie. Oui, les psys peuvent faire des dépressions, être anxieux, être alcooliques, divorcer, hurler sur leurs enfants, etc. ! Et ils peuvent être de bons professionnels pour autant. On dissocie l'humain et le professionnel.

Dans ma pratique, j'entends parfois "je n'ai pas poursuivi avec mon ancien psy parce que ça n'allait pas assez vite". Cette notion d'urgence, je crois qu'il est important d'en parler et de souligner qu'aller voir un psy n'est pas magique. La psychothérapie demande du temps pour en constater des effets, elle demande un gros investissement (en motivation), et ce même dans les thérapies brèves ! Généralement, on sollicite le psy quand on a épuisé toutes nos ressources, toutes nos solutions, qu'on est au pied du mur. Psy et patient vont donc prendre le temps de se connaître, de se rencontrer, de comprendre l'histoire du patient et ses objectifs. Tout ceci demande quelques séances avant de formaliser le protocole de psychothérapie. Il n'y a donc pas de notion d'urgence quand on débute un travail sur soi, mais il est essentiel de trouver le "bon thérapeute" et la bonne approche.

[Line a d'ailleurs publié sur son blog un excellent article dédié aux idées reçues sur les psys. Allez donc jeter un coup d'oeil !]

 

Insane : As-tu déjà eu affaire à des client·es agressi·fs·ves, ou peu coopérati·fs·ves (des adolescent·es par exemple) ? Comment as-tu géré cela, et comment as-tu fait le cas échéant pour les convaincre que tu étais "de leur côté" ?

 

Line : Dans ma pratique institutionnelle, il m'arrive fréquement de recevoir des jeunes poussés à venir parler par leurs parents, par l'établissement scolaire. L'équipe et moi-même avons donc l'habitude de recevoir des personnes peu coopératives et notre travail est de faire "alliance" avec eux.

L'alliance va passer par :

 

  • le cadre de notre structure. Et ce cadre repose sur 3 règles : gratuité, confidentialité et libre adhésion. C'est-à-dire que nous ne forçons pas la parole, nous la respectons et la gardons confidentielle (tant qu'il n'y a pas de mise en danger majeure). Nous respectons également la temporalité (ce n'est parfois pas le bon moment pour parler), et le jeune est libre de venir sans l'autorisation de ses parents. Rien que de savoir ça, venir nous voir n'est plus une si grosse contrainte.

 

  • la qualité de l'accueil et un rapport de confiance favoriseront aussi l'alliance. En effet, le sentiment d'être bien accueilli, chaleureusement, entendu sans être jugé, va permettre de libérer la parole.

 

  • la demande. En effet, pour renforcer l'alliance et le climat de confiance, il est nécessaire que le psy et son patient ait un objectif commun (même si cet objectif n'est pas celui des parents). Car sans demande de la part de la personne qu'on rencontre, le psy est impuissant.

 

En cabinet, le fonctionnement est différent. Je reçois davantage d'adultes et venir voir un psy est là une démarche personnelle. Ils sont généralement beaucoup plus coopératifs, puisque volontaires, mais je peux tout de même observer quelques résistances, notamment quand quelqu'un arrive fréquemment en retard, quand il déplace souvent le RDV sur mon aganda un peu avant... Encore une fois, rien de grave, mon travail est d'aller à leur rythme et nous en discutons.

L'alliance thérapeutique est donc facilitée quand le patient a une demande, un objectif dans le fait de nous rencontrer. Mais en psy libéral, il nous arrive de recevoir des personnes en « obligation de soin » (sous contrainte judiciaire) et l'exercice n'est pas simple. Pas impossible mais plus complexe. Notre travail est de faire alliance (chaleur dans l'accueil, compréhension, non jugement, climat de confiance) et de trouver une accroche, de faire émerger une demande chez la personne contrainte. De trouver ensemble ce qu'elle pourrait tirer de nos rencontres !

Après, il existe des troubles psy avec lesquels il est très difficile de travailler ensemble.

 

Insane : Selon toi, vers quoi la société (notamment en France) devrait-elle évoluer pour diminuer la souffrance des personnes en difficulté psychique passagère ou permanente ? Que faudrait-il absolument mettre en place selon toi ?

 

Line : Afin d'améliorer la prise en charge de la souffrance, il me semble aujourd'hui nécessaire de rembourser les consultations psychologiques chez les psychologues libéraux. A ce jour, des structures comme les Centres Médico-Psychologiques (CMP) proposent des séances avec des psys gratuitement mais les services sont saturés. Les délais d'attente avant de rencontrer un psychologue peuvent prendre plusieurs mois voire une année ! Ce qui est inimaginable quand on est en souffrance. A côté de ça, les tarifs chez les psy en libéral vont de 40 euros à 80 euros selon les régions, ce qui est un coût non négligeable. Alors face à cette difficulté d'avoir un accès au soin, les personnes se dirigent vers les médecins généralistes ou médecins psychiatres [voir notre article sur la manière de trouver un·e bon·ne psychiatre]. La démarche est intéressantes certes, bien que les psychiatres ne fassent pas de tous de la psychothérapie, et cela favorise les prescriptions de traitement antidépresseur et anxiolytique alors que cela n'est pas forcément nécessaire.

Dans cette démarche de réduire la consommation de médicaments non nécessaires et de désengorger les structures de soin gratuites, le gouvernement a mis en place il y a 3 ans plusieurs expérimentations de remboursement des consultations psy en libéral. Et ce, dans plusieurs régions (cf mon blog, j'ai écrit 2 articles à ce sujet) ! Nous sommes à ce jour arrivés au bout des 3 années d'expérimentation et l'heure du bilan a sonné. Ce dernier est positif, beaucoup de personnes ont pu être orientées vers ce nouveau dispositif et ont pu recevoir une prise en charge gratuite, dans un délai d'attente plus que raisonnable. De ce fait, le gouvernement est en train de réfléchir à la pérennisation de ce dispositif. Pour cela, il souhaite :

 

  • uniformiser la formation des psys et la rallonger (au-delà de bac+5 donc)

 

  • il souhaite également que nous devenions des « paramédicaux », ce qui sous-entend que pour avoir accès aux psys, il faudra passer par votre médecin traitant

 

  • et dernier point, le plus discuté je pense, la tarification sans dépassement d'honoraires

 

Actuellement, le rapport IGAS rapporte tous ces éléments et il est disponible sur internet si vous souhaitez le consulter. Je ne vous cache pas que je soutiens la volonté du gouvernement de faciliter l'accès au soin mais pas à n'importe quelle condition. À terme, si les psys sont mal valorisés, il n'y aura plus de libéraux. Plus de libéraux veut dire qu'il y aura beaucoup de demandes dans les structures publiques et c'est le retour à la case départ. Alors autant faire les choses bien, pour les patients et pour les psys !

 

 

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