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Quand la célébrité rencontre le courage : 4 stars de la série Game of Thrones parlent de leurs problèmes de santé mentale

Illustration: Tony H.

Sommaire

Sophie TurnerMaisie WilliamsEmilia ClarkeKit Harington

Un article traduit par Aurélie Hoarau-Michel, merci à elle !

 

Mise à jour du 31 mai 2019 : Selon un représentant, Kit Harington (Jon Snow) s'est inscrit de son plein gré dans une clinique privée de bien-être au Connecticut afin de résoudre ses problèmes de stress, d'épuisement mental et de consommation d'alcool. A ses côtés, sa femme et co-vedette de Game of Thrones, Rose Leslie (Ygritte), lui est d’un grand soutien. Après un mois passé au sein de l'établissement où il bénéficie d’un coaching psychologique et d’une thérapie comportementale et cognitive, on l'a vu faire des achats d'articles de fitness et de livres. On suppose donc que Kit Harington va déjà mieux ! Savoir prendre soin de soi, ce n’est pas facile. Ça commence souvent par reconnaître qu'on ne va pas bien et qu'on a besoin d'une aide extérieure (professionnelle ou d'un·e proche) pour s’en sortir. C’est une démarche qui demande beaucoup de courage, mais c’est bien le moyen le plus rapide et le plus sûr de se rétablir. On est avec toi, Kit.

Fin de la mise à jour

 

Je ne regarde pas Game of Thrones. Voilà, c'est dit. Le scénario est trop dur pour moi psychologiquement, et mon Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT, PTSD en anglais) réactif m'empêche d'apprécier les brillantes intrigues politiques et les incroyables traits de caractère des personnages dont j'entends constamment parler. Ils ont aussi tué un beau loup-garou totalement innocent et, pour une raison quelconque à laquelle tout un fil de discussion Reddit est dédié, ce fut ma ligne rouge (c'est aussi la raison pour laquelle j'ai immédiatement arrêté de regarder House of Cards et je ne le regrette pas du tout). Je sais néanmoins à quel point la série est populaire, et en particulier à quel point les personnages principaux féminins y sont des femmes fortes. Raison de plus pour admirer les actrices (et Kit Harrington) qui y ont joué pendant huit saisons, sous les feux toujours plus ardents des projecteurs tout en luttant constamment contre eux et elles-mêmes.

 

Alors oui, ce sont des acteurs et des actrices habitué·e·s aux feux de la rampe et aux apparitions publiques. Oui, ce sont des personnalités très admirées du public, qui ont été à l’affiche d’un phénomène mondial. Oui mais... il n'a pas dû être facile pour eux et elles d'admettre toutes les idées noires qui leur traversaient l'esprit, alors même qu'ils et elles étaient en train de tourner ce qui pourrait déjà être le sommet de leur carrière.

 

Sophie Turner

Sophie Turner (Sansa Stark) a ouvertement parlé de son long combat contre la dépression et d'autres problèmes de santé mentale dans un podcast très connu et très populaire appelé Phil in the blanks que vous pouvez regarder ici. En quelques mots parce que spoiler est un crime de lèse-majesté, elle est tout simplement incroyable (et directe sur le sujet).

 

Ce qui m'a vraiment frappée, c'est sa mention d'une "enfance vraiment heureuse" : c'est tellement important parce que les gens ont tendance à associer les problèmes de santé mentale à un traumatisme, une enfance négligée ou abusive, des parents qui offraient peu de soutien, etc. Grosso modo ce qui n'arrive qu'aux autres, ce qui se passe dans les histoires d'horreur qu’on lit dans les tabloïds... mais les problèmes de santé mentale qui seraient un truc courant ? Non. Les gens ont aussi tendance à croire que tout est parfait à Hollywood / Beverly Hills / Buckingham Palace et qu’une fois que vous y êtes arrivé·e, la lutte est finie - vous êtes célèbre, riche et vous pouvez cesser de vous faire du souci pour quoi que ce soit d'autre que votre prochain grand succès servi sur un plateau d'argent. Eh bien, comme Sophie Turner peut en témoigner, ce n’est pas vraiment le cas.

Elle avait déjà tweeté à propos des moqueries qui sont faites au sujet de la santé mentale, mais à l'époque elle ne s'était pas attardée sur ses propres difficultés. Revenir pour parler spécifiquement de sa propre expérience dans une émission largement suivie n'est pas une mince affaire. Elle y dit notamment qu'elle "pleurait juste parce qu’elle devait se changer" ou "ne voulait pas voir [ses ami·e·s]". C'est typiquement le genre de choses qui fait se sentir honteu·x·se et coupable quand on souffre de dépression, et j'utilise le mot typiquement ici parce que c’est vrai pour de très nombreuses personnes, y compris les super célébrités à succès.

J'ai eu une enfance vraiment heureuse. [...] Je ne pense vraiment pas avoir eu de problèmes de [dépression] avant l'âge de 17 ans. Et puis, tout d'un coup, ça m'est tombé dessus.

L'actrice de Game of Thrones Sophie Turner (Sansa Stark)

Comme elle le dit elle-même, la pression du regard des médias (sociaux) n'a pas aidé, mais ce n'était pas la cause principale de sa dépression. Personnellement, je suis très heureuse qu’elle le précise, parce que quand l’environnement de travail cause une détresse si profonde qu'elle menace non seulement la capacité à travailler, mais aussi celle à fonctionner même dans des environnements privés, c’est une chose terrible... D'autant plus quand votre travail s'entremêle avec vos passions (vous ne pouvez du coup pas vraiment trouver une échappatoire dans votre passe-temps) et qu’il définit une part aussi essentielle de votre personnalité.

Dans le podcast, Sophie Turner a même reconnu non pas une mais plusieurs fois, très franchement et très simplement, qu'elle avait eu des idées suicidaires. Je n’ai qu’un seul commentaire : girl, bravo. Voilà comment on parle du suicide. Parce qu'on doit bien sûr en parler davantage, mais il existe un nombre infini de façons de mal le faire (et s'étendre sur les méthodes utilisées par les célébrités qui se sont suicidées en est d’ailleurs un exemple flagrant). Adopter un rapport honnête à l’égard des idées suicidaires comme l'actrice le fait est l'une des méthodes les plus efficaces pour déconstruire certaines croyances particulièrement tenaces dans la grande catégorie des idées noires, comme par exemple : croire que vous êtes la seule personne à souffrir autant, penser que personne ne peut vous comprendre et que, par conséquent, vous ne pourrez jamais vous en sortir, ou encore vous sentir incroyablement coupable parce que “vous n’avez pas de raison de vous plaindre”. Ces croyances -- fausses ! -- jouent un rôle crucial dans le passage à l’acte suicidaire.

 

Le doppelgänger de Sansa Stark continuera donc son chemin en tant qu'actrice, aidée par les médicaments et la thérapie... Elle vient d’ailleurs d'épouser son petit ami Joe Jonas, avec pour demoiselle d'honneur sa co-star Maisie Williams. C'est un excellent exemple de bonheur qui arrive quand on obtient de l'aide -- les choses s'améliorent, même si quand on est en plein dans les idées noires, on a l’impression que c’est totalement impossible.

 

Maisie Williams

Ce qui nous amène aux problèmes de santé mentale de Maisie Williams, qu'elle a abordés dans son propre moment podcast : les sœurs à l'écran sont décidément aussi courageuses l’une que l’autre, et même si ce n'est pas une bonne nouvelle qu'elles luttent toutes les deux contre leurs soucis de santé mentale, le fait qu'elles aient toutes deux choisi de les dévoiler au grand public constitue une double victoire pour la sensibilisation à la santé mentale.

 

La différence avec sa co-star Sophie Turner, c'est que Maisie Williams, de son propre aveu, traverse encore une période très difficile. Mais le fait qu'elle soit capable de déterminer exactement quel genre de pensées sombres elle a, et qu'elle soit capable de reconnaître que ces pensées existent, est déjà super en soi : c'est le premier pas à faire pour s’en débarrasser, car comment pouvez-vous espérer vous défendre contre un ennemi si vous n'avez pas d’abord admis qu'il y en avait un ? Bien sûr, ce n'est pas aussi facile à faire que Maisie Williams le fait paraître (même si ça lui a probablement pris beaucoup de temps aussi), mais c'est tout à fait possible.

L'idée phare à retenir ici, c’est que si elle et toutes les autres célébrités qui parlent de leurs problèmes de santé mentale peuvent s’en sortir, ce n’est pas juste parce que ce sont des célébrités. Ils et elles s’en sortent parce que c'est possible, parce que ce sont des êtres humains - et devinez quoi ? Vous aussi ! Certes, les stars peuvent avoir un meilleur accès à une aide professionnelle. Certes, les personnes célèbres peuvent parfois obtenir plus de soutien car leurs agents ont vraiment besoin qu’elles fonctionnent. Mais vos proches aussi ont besoin de vous ! Vos amis et votre famille souhaitent que vous vous alliez mieux, non pas uniquement parce qu'ils et elles ont besoin de vous, mais parce qu'ils se soucient de vous. Et leur parler, leur faire savoir que vous n'allez pas bien, se passera probablement beaucoup mieux que vous ne le pensez.

Maisie Williams n'est pas différente de vous. Elle est tout aussi susceptible de ressentir le dégoût de soi-même et la détresse intérieure. Ça va aller. Vous n'êtes pas anormal·e, vous n'êtes pas un monstre. Et elle en parle haut et fort, pour que vous puissiez justement comprendre ça.

Je continue à rester allongée dans mon lit à 11 heures du soir, en me répétant tout ce que je déteste en moi.

L'actrice de Game of Thrones Maisie Williams (Arya Stark)

Ce qu'on a tendance à oublier, c'est ce qui se passe une fois qu'on va mieux. Traverser une dépression ou vivre avec de l'anxiété, c'est en soi un traumatisme. A l’instar d’une blessure physique, l'angoisse et la douleur émotionnelle qu'on ressent sont dûment mémorisées par notre cerveau afin qu'il puisse éviter que ça ne se reproduise à l'avenir. C'est un processus tout à fait normal. Et donc une grande partie de la guérison se passera à être terrifié·e de vivre à nouveau cette expérience, comme l'explique Maisie Williams.

Je pense qu'il y a eu un moment où j'étais très triste, puis je suis sortie de ça, et maintenant c'est juste réellement terrifiant de penser que je pourrais y replonger un jour.

L'actrice de Game of Thrones Maisie Williams (Arya Stark)

Pour elle, le regard du public et l'énorme pression de jouer un personnage principal dans une série aussi appréciée étaient trop lourds à porter. Non pas dans le sens où elle s’auto-persuadait qu’elle ne faisait pas du bon boulot, mais plutôt dans le sens où elle sentait qu'elle se perdait elle-même dans son personnage. De nombreux acteurs et actrices en ont déjà parlé : la difficulté de se souvenir de qui on est et d’interagir avec les autres en étant soi-même est souvent immense. Ça n'arrive pas seulement aux personnes dont le travail consiste à jouer des rôles : c'est également une caractéristique-clé d'un problème de santé mentale comme le trouble de la personnalité borderline (TPB), ce qui rend les conseils et l'expérience de l'actrice d'autant plus significatifs. Ils sont utiles, de façon très concrète, pour nous les gens “normaux”.

Il y a une fin heureuse aux problèmes de santé mentale de Maisie Williams : elle semble aujourd’hui avoir adopté une philosophie qui fonctionne pour elle, même si c'est juste assez pour la faire tenir jusqu’au lendemain. Et je pense que c'est l'un des meilleurs conseils qu’on puisse recevoir quand on fait face à des difficultés psychologiques : faire des pas de bébé et surtout un par un. Ce qui signifie qu'il s'agit de survivre un jour de plus, une heure de plus, jusqu'à ce qu'on soit finalement sorti·e de l'auberge. Et je vous promets que vous en sortirez. L'actrice a laissé entendre qu'elle allait faire une pause dans sa carrière, afin de se concentrer sur sa guérison et sur la redécouverte d’elle-même. Et elle n'a pas perdu de temps ! L'application start-up qu'elle a lancée l'année dernière vient de dépasser les 100 000 utilisateurs et utilisatrices, et sa société de production cinématographique planche déjà sur un premier projet.

Je pense que c'est vraiment un premier pas : ne pas essayer d'être qui [les gens] veulent que je sois en ce moment…

L'actrice de Game of Thrones Maisie Williams (Arya Stark)

Beau travail, girl! On est des milliers à t’encourager de tout notre coeur, et on te remercie pour ton honnêteté.

 

Emilia Clarke

Emilia Clarke, l'un des visages les plus connus du casting de Game of Thrones, a évoqué ses problèmes de santé mentale en écrivant pour la première fois à propos de sa survie à deux ruptures d'anévrisme qui ont failli être mortels. Dans son cas, c'est la menace de la mort, ou la possibilité de perdre des choses essentielles comme la capacité de parler et la mémoire, qui l'a amenée sur le sombre chemin de la dépression et de l'anxiété.

Il est en fait assez courant pour les personnes atteintes de maladies potentiellement mortelles ou de pathologies chroniques de se retrouver en proie au désespoir et de perdre ensuite la volonté de vivre. Cela me fait penser aux premières lignes du livre à succès de John Greene, The Fault in Our Stars: "La dépression n'est pas un effet secondaire du cancer. La dépression est un effet secondaire de la mort". Non seulement les personnes gravement malades (physiquement) présentent des risques accrus de développer des troubles de santé mentale, mais ces mêmes troubles mentaux peuvent aussi avoir des effets terribles sur le corps (et donc sur la réponse du corps aux médicaments prescrits pour des maladies purement physiologiques). Les deux étant intimement liés, ça peut nettement compliquer le programme de traitement dans son ensemble.

Emilia Clarke admet très clairement avoir eu des idées suicidaires en conséquence directe de la douleur causée par ses ruptures d'anévrismes et les chirurgies pour les traiter.

Dans mes pires moments, je voulais débrancher la prise. J'ai demandé au personnel médical de me laisser mourir.

L'actrice de Game of Thrones Emilia Clarke (Daenerys Targaryen)

L'anxiété est apparue plus tard - dans son cas aussi, il s'agissait principalement de la crainte du retour de ces terribles menaces pour sa vie, du retour de l’insupportable douleur, avec le traumatisme de toute cette expérience qui obscurcissait clairement chaque minute de ses journées.

Il pourrait sembler plus facile de comprendre les crises de panique d'Emilia Clarke parce qu’elles ont une origine tangible. Ce qu’il faut retenir si vous n'avez jamais été vous-même atteint·e d'un problème de santé mentale, c'est que l'anxiété consiste essentiellement en la réaction du corps de la personne à une menace perçue : c'est cette perception des menaces qui fonctionne mal chez une personne souffrant d'un trouble anxieux. Ce qui signifie qu'ils et elles ne peuvent pas la contrôler, parce que la réaction de l'organisme est tout aussi forte que la menace soit réelle ou non.

Dans le cas de l'actrice de Game of Thrones, les crises de panique et l'anxiété constante sont présentes en raison d'un traumatisme passé (dans ce cas, physiologique), ce qui n'est pas forcément le cas de toute personne souffrant d'un trouble anxieux. Mais le problème reste le même : la menace n'est pas réelle au moment de la crise de panique, elle est perçue à un moment où rien dans le corps (dans ce cas celui d'Emilia Clarke) ne change ou ne s'aggrave vraiment.

Donc, la première chose que je veux souligner, c’est que les origines du trouble anxieux n'ont pas vraiment d'importance lors de l'évaluation de la gravité d'un tel problème de santé mentale : la personne souffre de la même manière, peu importe pourquoi.

La deuxième chose que je veux souligner, c'est qu'il faut absolument faire un bien meilleur travail de dépistage des personnes atteintes d'une blessure physiologique ou d'une maladie chronique, pour des problèmes de santé mentale comme la dépression et l'anxiété. Ces personnes présentent des risques d'idées suicidaires lorsque la maladie ou son traitement causent de la douleur et interfèrent fortement avec leur vie quotidienne. Elles présentent également des risques de dépression résultant du syndrome [de culpabilité] du survivant, un trouble spécifique répertorié dans le cadre plus large du trouble de stress post-traumatique. De ma lecture des mots d'Emilia Clarke, elle a vécu à la fois les premières et le second, quoique peut-être pas à parts égales.

À certains moments, j'ai perdu tout espoir. Je ne pouvais plus regarder personne dans les yeux. Il y avait une anxiété terrible, des crises de panique.

L'actrice de Game of Thrones Emilia Clarke (Daenerys Targaryen)

À qui n'a-t-on jamais dit, plus ou moins en ces termes exacts, "qu'il y a des gens qui vont plus mal que vous" ? Si vous n'avez jamais entendu cette phrase, eh bien, les gens autour de vous ont fait du très bon travail et je suis contente pour vous. Parce que c'est l'une des choses les plus inutiles à dire à une personne traversant une période difficile, quelle qu'en soit la cause et surtout lorsqu'il n'y a pas de cause facilement identifiable. Ça n'atténue ni la douleur ni la détresse, mais ça sert certainement très bien à ajouter de la culpabilité et de la honte à toute cette terrible expérience. Et à quoi mènent de tels sentiments de culpabilité et de honte ? Vous l'aurez compris : ne dire à personne que vous n'allez pas bien, ne chercher aucune aide, favoriser la stigmatisation (personnelle et publique), utiliser des méthodes de gestion malsaines et laisser les moments difficiles se transformer en troubles cliniques. Le silence tue.

Et bien qu'il soit évidemment crucial d'apprendre à attribuer le bon niveau de valeur à chacun de ses sentiments ou de ses expériences, tout comme il est crucial de lutter contre la tendance naturelle du cerveau à se concentrer sur les choses négatives, il est encore plus important d'apprendre à accepter tous ses sentiments comme valides et sans jugement de valeur.

On m'a appris à me souvenir qu'il y a toujours quelqu'un qui va plus mal que vous. Mais, en traversant cette expérience une deuxième fois, tout espoir s'est évanoui. Je me sentais comme l’ombre de moi-même.

L'actrice de Game of Thrones Emilia Clarke (Daenerys Targaryen)

Si vous vous sentez comme l'ombre de vous-même, c'est un important signal d’alarme qui indique que quelque chose ne va pas, et que ce sentiment doit être traité correctement. La bonne nouvelle c'est que, même si vous avez touché le fond à plusieurs reprises, vous pouvez toujours remonter la pente.

D'abord parce que le traumatisme, une fois traité, ne sera pas toujours aussi douloureux et vif -- l'esprit a une incroyable capacité à "oublier" les souvenirs pénibles, même si cela peut prendre un certain temps. C'est ce qu'Emilia Clarke vit aujourd’hui : "J'ai maintenant du mal à me souvenir de ces jours sombres en détail. Mon esprit les a bloqués".

Deuxièmement, parce que - je le répète - ça peut aller mieux. Vous pouvez aller mieux. Ça peut vous sembler être la fin, mais ce n'est pas le cas si vous choisissez de rester en vie. La maladie, en particulier la dépression, vous fait croire que vous voyez maintenant les choses clairement, sans ces lunettes roses à travers lesquelles tout le monde -- y compris votre ancienne personnalité -- semblent regarder. La dépression vous dit que l'avenir n'est pas plus brillant que le présent, qu'il ne fera que s'assombrir. Mais c'est un mensonge. Vous ne pouvez pas connaître l'avenir, vous ne pouvez pas savoir quelles choses formidables vous arriveront, parce que vous ne les vivez pas encore. Vous pouvez guérir complètement, tout comme Emilia Clarke. Et parler de votre douleur émotionnelle est la première étape vers cette guérison.

Mais j'ai survécu. [...] J'ai guéri au-delà de mes espoirs les plus déraisonnables. Je suis maintenant à cent pour cent.

L'actrice de Game of Thrones Emilia Clarke (Daenerys Targaryen)

Kit Harington

 Dans une interview, le célèbre acteur aux cheveux bouclés a expliqué comment le fait de jouer son personnage Jon Snow lui donnait l'impression de se perdre lui-même et comment la réaction du public à son alter ego à l'écran le faisait déprimer. À une époque où la masculinité toxique est encore en pleine floraison, Kit Harington expose sans crainte ses sentiments tout au long de l'interview et admet sa vulnérabilité de nombreuses manières. C'est ce que j'appelle le courage, et aussi ce qui devrait être complètement ordinaire (mais ce n'est pas le cas, d'où cette bravoure, d'où la conclusion que Jon Snow est un héros joué par un héros bien réel).

Il explique que "dans ma mémoire c’est toujours ‘l'ennuyeux Jon Snow’. Et cela m'est venu après un certain temps, parce que je me disais : ‘J'aime [ce personnage]. Il est à moi et j'aime le jouer' ". Ce n'est qu'un exemple de la façon dont les acteurs et actrices peuvent involontairement devenir si fusionnel·le·s avec leurs personnages (et on les adore pour ça, d'ailleurs) qu'ils et elles commencent à prendre la critique pour eux et elles-mêmes. Le fait que Kit Harington joue, pour la majeure partie de la série, un combattant au cœur tendre aux côtés d'un certain nombre de personnages féminins très forts n'a clairement pas aidé.

Il m'a fallu beaucoup de temps pour ne pas penser que j’étais le pire dans tout cela.

L'acteur de Game of Thrones Kit Harington (Jon Snow)

Néanmoins, même une personne avec zéro problème de santé mentale et une grande confiance en soi (à ne pas confondre avec l'arrogance) peut subir trop de pression pour pouvoir répondre sereinement aux attentes du public. Et avec une série comme Game of Thrones, cette pression devait certainement être du genre écrasante. On a tendance à oublier que derrière les personnages, les costumes incroyables et le formidable scénario, il y a un travail colossal réalisé par des individus qui donnent tout.

Cela devrait inciter chacun·€ d'entre nous à cesser les critiques faciles et les jugements trop rapides. Parce qu'il ne s'agit pas d'un cas où la personne reçoit une mauvaise critique lors d'un entretien en face-à-face et peut répondre presque immédiatement. Il s’agit d’un cas où la personne est exposée à de violentes réactions et des commentaires blessants provenant de millions de téléspectateurs en même temps, sans avoir la possibilité de répondre à chacun d'entre eux de manière argumentée. Bien sûr, il est terrifiant de savoir qu’un nombre à six zéro de personnes comptent sur vous pour jouer à la perfection une histoire qui les a captivées pendant des années. Mais il serait certainement un peu plus facile de respirer si tout le monde pouvait être respectueux dans son évaluation de la qualité du spectacle. Ce qui n'est vraiment pas trop demander.

Le harcèlement en ligne est un véritable phénomène, et bien qu'il n’arrive pas uniquement aux célébrités (loin de là), il est toujours douloureux pour la personne qui en est la cible. Cette dernière se refermera très probablement sur elle-même à un moment donné, pour protéger sa santé mentale. Et ça n'est bon pour personne parce que -- si vous avez vraiment besoin d'un argument rationnel -- la société est alors vouée à perdre des idées perspicaces tues et pourrait devoir payer les coûts (élevés) d'une mauvaise santé mentale.

Lorsque vous devenez le cliffhanger d'une série TV, et que la série TV est probablement au sommet de sa puissance, l’attention sur vous est p***** de terrifiante.

L'acteur de Game of Thrones Kit Harington (Jon Snow)

Je suppose que Kit Harington est également dans l’équipe des gens qui se sentent coupables : il admet, très clairement, avoir eu l'impression d'avoir tout ce qu'il pouvait désirer... et pourtant s'être senti profondément indigne et malheureux. Les gars, Jon Snow a suivi une thérapie : je pense que c'est un truc qu'on devrait tous et toutes prendre en compte. Vous n'avez pas besoin d'avoir un trouble de santé mentale évident ou de toucher le fond pour demander une assistance professionnelle. Sérieusement, pourquoi attendre ?

Je ne dis pas qu'il est impossible de résoudre tout problème de santé mentale par soi-même. Je ne dis pas non plus que la thérapie est faite pour tout le monde (bien qu'il existe d'innombrables types de thérapie, il est donc difficile de croire qu'il n'y en aurait vraiment aucune qui vous convienne) -- mais je dis que vous économiserez beaucoup de temps et d'efforts en allant directement voir quelqu'un qui sait tellement bien aider les gens que c'est son job. Pensez à tout le travail que vous ne pourrez pas accomplir correctement parce que vous êtes en burn-out, à toutes les fêtes et les supers moments en famille que vous n'apprécierez pas parce que vous vous sentez déprimé·e et engourdi·e, à toutes les disputes stupides que vous aurez avec vos proches parce que vous êtes en colère contre le monde entier. Les gens (professionnel·le·s et proches) sont là pour vous aider, ils et elles se soucient de vous et cherchent probablement déjà des moyens de vous soutenir -- c'est tout simplement logique de leur demander de l’aide.

Réfléchissez bien à ça : vous ne gérerez pas toujours tout par vous-même (et ce n’est pas grave. Vous êtes un être humain, vous vous souvenez ?). Alors laissez-moi vous suggérer de mettre de côté ces fausses idées au sujet de votre ego qui serait meurtri parce que vous cherchez de l'aide, et mettez-vous au travail, parce que oui -- la thérapie c'est du travail. La seule différence lorsque vous effectuez ce travail avec un·e thérapeute ou avec un·e proche, c'est que ça a beaucoup plus de chance d'avoir l'effet escompté : vous sentir mieux.

Je me disais que j'aurais dû me sentir comme la personne la plus chanceuse du monde, alors qu'en fait, je me sentais très vulnérable. [...] C’est à ce moment-là que j'ai commencé la thérapie.

L'acteur de Game of Thrones Kit Harington (Jon Snow)

Le personnage de Kit Harington a été très moqué dans les premières saisons de la série et l'acteur est clairement un homme sentimental. Ce qui ne mène qu'à une seule conclusion: si la version réelle de Jon Snow peut rassembler le courage d'aller en thérapie quand il ne va pas bien, vous le pouvez aussi.

 

Aller plus loin

  • Découvrez Same You, l'association fondée par Emilia Clarke pour venir en aide aux personnes ayant subi un traumatisme crânien

 

  • Vous n’allez pas bien et vous vivez au Royaume-Uni ? Envoyez SHOUT à la messagerie du même nom (anglophone uniquement) : il s'agit d'une ligne dédiée aux crises de santé mentale. Elle est anonyme, gratuite et destinée à toutes les personnes en difficulté

 

  • Vous n’allez pas bien et vous vivez aux États-Unis ? Contactez la Crisis Text Line (l'organisation-mère de SHOUT, anglophone uniquement) : il s'agit également d'une ligne anonyme, gratuite et destinée à toutes les personnes en difficulté

 

  • Vous n’allez pas bien et vous vivez en France ? Contactez SOS Suicide Phenix : tout contact est anonyme, au même coût qu'un appel local, également accessible par e-mail, et destiné à toute personne se trouvant en difficulté

 

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