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Reconnaissance des proches aidant·es : la loi est passée !

Illustration: Tony H.

Sommaire

Alors, concrètement qu'est-ce qui change ?

Mise à jour du 27 novembre 2019 : Si vous êtes proche aidant·e, vous pouvez témoigner et échanger sur le forum mis en place par Hélène Rossinot, auteure d'un livre intitulé Aidants, ces Invisibles (à commander sur la Fnac ou sur Amazon) sur sa propre expérience de proche aidante.

 

Ajout de deux liens dans la partie Aller plus loin

Fin de la mise à jour

 

Mise à jour du 25 novembre 2019 : Ajout de 3 liens dans la partie Aller plus loin

Fin de la mise à jour

 

Mise à jour du 02 octobre 2019 : La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé qu'un congé indemnisé pour les aidant·es serait créé en octobre 2020. C'est une excellente nouvelle... avec quelques bémols.

Ce congé, rémunéré à 43,52€ par jour pour une personne en couple ou 52€ par jour pour une personne seule, sera alloué selon les mêmes conditions que pour l'AJPP (Allocation Journalière de Présence Parentale) par exemple, c'est-à-dire :

  • une rémunération de 3 mois (fractionnables) maximum
  • ces 3 mois pourront être fractionnés sur une durée de 3 ans maximum
  • et ce sur l'ensemble de la carrière
  • ouvrant des droits (restreints) à la retraite

Cela ne répondra donc pas au caractère de la durée, crucial lorsque l'état de l'aidé·e n'est pas susceptible de s'améliorer avec le temps (je pense par exemple aux personnes âgées dépendantes). On peut également s'inquiéter de la faible rémunération de ce congé au vu des dépenses engagées par les proches aidant·es, mais c'est décidément un pas dans la bonne direction.

Le détail le plus important réside dans le fait qu'il s'agira d'une expérimentation sur 2 ans. J'espère que le dispositif sera pérennisé, parce qu'il apporte un soulagement certain pour les proches aidant·es évidemment, mais aussi parce qu'il permettra aux proches aidé·es de moins se considérer comme un fardeau alors qu'ils et elles n'en sont en rien responsables.

 

Ajout de l'information sur le congé de proche aidant·e non rémunéré.

Fin de la mise à jour

 

Mise à jour du 13 septembre 2019 : Une pétition du Collectif Je t'Aide, adressée au Ministère des Solidarités et de la Santé, circule actuellement pour faire reconnaître le statut d'aidant·e en France. C'est par ici pour la signer et la partager !

 

En plus de ses missions de plaidoyer pour les aidant·es, le Collectif Je t'Aide a mis en ligne un kit des aidants plein de ressources très utiles, n'hésitez pas à le consulter.

 

L'Association Française des Aidants est également source d'informations précieuses, et propose une formation en ligne gratuite, pour permettre aux aidant·es de mieux connaître les ressources dans leur région et éviter le burn-out notamment.

 

Ajout du chiffre de 30% d'aidant·es qui décèdent avant leurs aidé·es.

Fin de la mise à jour

 

Les proches aidant·es sont le plus souvent des membres de la famille de la personne en situation de handicap (physique, intellectuel, moteur, psychique...), de maladie ou de dépendance, et à ce titre sont la plupart du temps considéré·es comme "faisant leur boulot de mère/père/cousine d'un oncle commun au 5ème degré". Sauf que c'est un boulot à part entière, pour lequel on se souviendra que des employé·es en institution par exemple (et quand bien même diplômé·es à la différence des proches aidant·es) fournissent le même travail... mais sont au moins rémunéré·es au SMIC (Salaire MInimum de Croissance), cotisent pour leur retraite, et ont droit à un nombre minimum de congés payés ! Et tout le monde trouve ça normal, puisque "tout travail mérite salaire", comme disait Jésus ou Jean-Luc Mélenchon, selon vos affinités.

 

Ces proches aidant·es, aujourd'hui estimé·es entre 8 et 11 millions de Français·es, ont de tout temps fait ce boulot, tout simplement parce que dans certains endroits il n'existe pas de lieu ni de service de prise en charge adaptée, ou non accessibles financièrement pour certains ménages : je pense notamment aux parents d'enfants avec Troubles du Spectre de l'Autisme (TSA) et aux proches de personnes polyhandicapées ou de personnes âgées dépendantes, mais des milliers de situations très compliquées existent sur le territoire français. Que reste-t-il alors à ces proches pour s'assurer que la personne en situation de handicap/maladie/dépendance reçoit les soins dont elle a besoin et accède aux droits d'autonomie et de vie décente qui sont les siens ? À tout faire par soi-même, y compris concernant les dépenses matérielles.

 

Il faut rappeler qu'au moins 30% des aidant·es meurent avant leurs aidé·es, souvent d'épuisement mental et physique. Sans même parler de la solitude qui les touche également démesurément.

 

C'est pourquoi la nouvelle loi (n° 2019-485 de son p'tit nom) visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (son nom complet) est extrêmement bienvenue, quoiqu'assez édulcorée par rapport à sa version initiale proposée. On remercie la Sénatrice Jocelyne Guidez, entre autres, à l'origine de cette loi.

 

Alors, concrètement qu'est-ce qui change ?

D'abord la reconnaissance de la double charge des proches aidant·es : l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle (laquelle inclut de s'occuper des personnes à leur charge) doit être pris en compte lorsque les différentes branches de métiers travaillent sur leurs négociations collectives. Concrètement, on ne peut par exemple pas décemment demander à une personne, qui en rentrant du boulot doit prodiguer des soins ou être absolument présente, de faire constamment des heures supplémentaires en les prévenant deux jours avant.

 

Ensuite, la reconnaissance de leur besoin de répit : s'occuper d'une personne en situation de handicap, gravement malade, ou de plus en plus dépendante, n'est pas chose facile. Il est normal et attendu que les proches aidant·es aient besoin de temps réguliers de pause, pendant lesquels le relayage doit être assumé par des établissements médico-sociaux. Sur ce point, rien de très concret, sauf qu'un décret devra obliger ces établissements ainsi que les pouvoirs publics à faire des "expérimentations" en ce sens, autrement dit à réfléchir à de nouveaux (et on l'espère, plus nombreux et mieux répartis) modèles de prise en charge au moins pour les temps de répit des proches aidant·es.

 

Enfin, la reconnaissance de leur expertise expérientielle (c'est-à-dire le fait que les proches aidant·es savent ce qui marche ou pas pour aider la personne en difficulté) et la facilitation des démarches administratives, grâce à l'inscription de leur nom dans le Dossier Médical Partagé (s'il existe) de la personne aidée. Autrement dit, il sera plus simple désormais pour les proches-aidant·es de faire accepter aux établissements de soin que "oui, c'est moi qui m'occupe de X, j'ai donc le droit officiel de savoir ce qui se passe et de prendre des décisions au niveau de ses soins" et non plus "oui, je suis la maman de X, vous pouvez me faire confiance et me donner toutes les infos, mais si je vous jure".

 

Une dernière mesure, certes floue mais qui a néanmoins le mérite d'exister, vise à dédier plus de fonds au soulagement des proches aidant·es. Pour faire simple, d'un côté il existe un organisme appelé la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie. Cet organisme se charge d'organiser dans les départements des actions visant à, vous l'avez deviné, lutter contre la perte d'autonomie des gens (notamment les personnes âgées mais pas seulement). D'un autre côté, il existe un organisme nommé la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA), qui alloue au premier des fonds pour ses actions. La loi dit désormais que la Conférence des financeurs a le droit de (voire est fortement encouragée à) allouer une partie de ce budget à des actions spécifiquement en faveur des proches aidant·es.

 

Conclusion : les proches aidant·es auront désormais plus de sous (indirectement) et un meilleur équilibre vie pro/vie perso (en tout cas on espère).

Par contre, pas de congés payés comme le demandait une version précédente de la loi, sachant que depuis 2017 la loi autorise un·e aidant·e à prendre un congé pendant 3 mois renouvelables et fractionnables, mais de façon non rémunérée (sauf si la convention collective de son job l'autorise à garder tout ou partie de son salaire) et totalisant 1 an maximum durant toute sa carrière. Dans les faits, très peu d'aidant·es sont donc en mesure d'en profiter, même s'il est possible depuis 2018 de donner des jours de congé à un·e collègue proche aidant·e qui en aurait bien besoin (sans nécessité d'être soi-même proche aidant·e par ailleurs).

Pas non plus de salaire sous une quelconque forme, comme on ne se fatigue même plus à le demander. Il serait pourtant temps qu'on y pense, puisqu'il est estimé qu'1 actif sur 4 sera aidant d'ici 2030.

Ah, par contre, il serait temps de passer aux Dossiers Médicaux Partagés, les ami·es : ça simplifiera la vie à tout le monde, surtout si vous vous retrouvez un jour en situation de handicap ou de dépendance.

 

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