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Pulsions, envies irrépressibles : comment les gérer ?

Illustration: Tony H.

Sommaire

En un mot DéplacezDécompressezSoyez Dou·x·ce avec vous-mêmeDistrayez-vous Dé-catastrophez Distanciez-vousDiscourez (Parlez à haute voix)

Cet article a été traduit de l'anglais par Aurélie Hoarau-Michel. Mille merci à elle !

 

Avant tout, sachez que vous n'êtes pas seul·e. Vous n’êtes pas bizarre. Selon l'OMS, en 2015, la dépendance aux substances concernait près de 30 millions de personnes dans le monde (soit 0,6 % de la population adulte), avec 250 millions d’usager·e·s de drogues dans le monde.

 

C'est sans compter tous les autres types de pulsions, aussi connues sous le nom d'envies irrépressibles*, qu’on peut avoir et qui ne sont pas liées à la drogue : les frénésies alimentaires comme celles qui découlent de la boulimie nerveuse, les comportements addictifs (y compris l'automutilation et les compulsions**) et celles qui ne sont pas reconnues comme des pulsions, et encore moins reconnues pour leur aspect blessant : les pulsions de réaction, comme quand on devient violent·e lors d'une dispute ou quand on se tourne vers des aliments-réconfort (comfort food, en anglais, c’est même une catégorie sur Deliveroo) dans des situations frustrantes (ce qui peut arriver même aux gens qui n'ont pas de troubles alimentaires).

 

Cet article ne traite pas de la guérison de la dépendance ni des options de traitement : il aborde en fait toutes sortes de pulsions et d’envies nuisibles, et la manière de les gérer. Mais acquérir la gestion de ses pulsions est utile à tou·te·s, y compris pour celui ou celle qui a des réactions quotidiennes mesquines ou agressives. J'espère que ces idées pourront également être utiles la prochaine fois qu’il vous sera difficile de résister à une envie commandée par votre dépendance.

 

Voici un excellent site que vous pourriez trouver pratique. Il est totalement gratuit et entièrement consacré à la guérison de la dépendance. Il existe même un portail concernant la gestion des addictions dans le cadre du travail. Les proches y trouveront également des conseils et des informations !

 

En attendant, voici quelques (i)D (vous avez compris ? Je suis assez fière de ce mauvais jeu de mots).

 

*Techniquement, les envies irrépressibles (cravings, en anglais) font référence à l'intensité des désirs ("Je le veux plus que tout au monde") et les pulsions font référence à l'urgence des désirs ("Je dois l’avoir maintenant tout de suite") mais, dans un but de simplification, on les utilisera ici de manière interchangeable.

 

**Le besoin impérieux d'accomplir une action irrationnelle (un comportement particulier qui n'est pas réellement lié à la situation dans laquelle il se produit, mais qui est destiné à soulager l'anxiété) est appelé une compulsion. Vous remarquerez que c'est un mot qu'on retrouve dans le TOC : Trouble Obsessionnel-Compulsif. Ce qui veut dire que les pulsions font bien sûr partie de l’addiction comme on l’entend généralement (dépendance à la consommation d'une certaine substance), mais elles peuvent aussi être un problème dans la vie de quelqu'un sans avoir rien à voir avec la consommation de substances : les comportements peuvent aussi être addictifs, soit en eux-mêmes (dans le jeu ou l'automutilation par exemple), soit dans le cadre d'un trouble comme le TOC.

 

En un mot

Déplacez : retirez de votre environnement toutes les substances ou tous les objets utilisés pour réaliser le comportement, et remplacez-les par une autre habitude (saine).



Décompressez : éliminez le plus de stress possible de votre vie et trouvez vos déclencheurs.



Soyez Dou·x·ce avec vous-même : lorsque vous avez une pulsion, utilisez le renforcement positif au lieu de vous punir.

 

Distrayez-vous en faisant quelque chose pour garder votre esprit et vos mains occupés : l'envie finira par passer en 15 minutes environ, sauf si vous êtes toujours exposé·e à une situation déclenchante.



Dé-catastrophez en vous disant que vous POUVEZ surmonter cette situation et en vous rappelant de pires moments de votre vie que vous avez effectivement réussi à surmonter.



Distanciez-vous par rapport aux résultats agréables de la satisfaction de l'envie en vous concentrant sur les conséquences négatives, et prenez de la distance par rapport à vous-même en imaginant que vous aidez quelqu'un d'autre à surmonter cette pulsion.



Discourez (Parlez à haute voix) : encouragez-vous à voix haute et verbalisez vos difficultés.

 

Déplacez

Déplacer consiste à littéralement déplacer les choses qui participent à votre usage ou à votre comportement. Le même principe est utilisé dans la prévention du suicide : la meilleure façon d'empêcher quelqu'un de se suicider est de lui retirer les outils potentiels. En voici quelques exemples :

 

  • Vous vous rongez constamment les ongles ? Coupez-les aussi courts que possible.



  • Vous vous faites mal avec un briquet ? Jetez-le.



  • Vous vous arrachez des poils sur le corps ? Débarrassez-vous des pinces à épiler et faites-vous épiler régulièrement par un·e professionnel·le. Ou passez à l'épilation à la cire (beaucoup moins de poils incarnés qu'avec un rasoir).

 



Mais on sait aussi que le geste de l'habitude est aussi puissant, voire plus puissant, que l'objet de l'habitude lui-même. Prenons l'exemple du tabagisme : de nombreu·x·ses fumeu·r·se·s déclarent qu'il est difficile, mais pas impossible, de renoncer à la nicotine et à d'autres produits chimiques. Pour eux et elles, le plus dur dans l’arrêt de la cigarette est de se défaire de l'habitude de mettre quelque chose dans leur bouche ou de tenir quelque chose entre leurs doigts. Vous avez probablement déjà entendu un·e ancien·ne fumeu·r·se dire "Mais je ne sais pas quoi faire de mes mains !". C’est clairement le coeur du problème avec le tabagisme, et c’est pareil pour un grand nombre d'habitudes et de comportements qui créent une dépendance. Vous devrez trouver un substitut à ce geste.

 

  • Vous vous entaillez les bras ? Gardez un élastique sur votre poignet en permanence et faites-le claquer quand vous ressentez le besoin de vous couper. Ça vous fera mal mais ça ne vous blessera pas.



  • Vous fumez ? Utilisez un “fidget toy”, un petit jouet que vous pourrez tripoter afin de garder vos mains occupées.



  • Vous avez envie de crier sur votre partenaire ? Choisissez avec lui ou elle à l'avance un mot drôle que vous pourrez crier lorsque vous vous sentirez en colère. Cela dédramatisera la situation.

 

  • Vous avez envie de frapper quelqu'un ? Accrochez une cible à fléchettes avec un visage agaçant sur votre mur et faites-vous plaisir.



  • Vous voulez vous étriper pour avoir été une mauvaise personne ? Écrivez plutôt en détail ce que vous voulez vous faire. Plus tard, lorsque la pulsion sera passée, veillez à prendre soin de vous et à vous débarrasser de ce texte.



  • Vous vous apprêtez à dire ou à écrire des choses que vous pourriez regretter plus tard ? Écrivez tout ce que vous voulez dire à la personne sur une feuille, sur votre téléphone ou tout autre support. Vous pouvez brûler ou effacer ces mots dès que vous avez terminé, mais dans tous les cas, veillez bien à vous débarrasser du texte : ça n'aidera en rien si quelqu'un le trouve ou si vous retombez dessus par la suite. Au mieux, ça ravivera votre colère passée. Ensuite, une fois que vous vous sentirez plus calme et plus posé·e, répondez effectivement à la personne.

 

Pour l'automutilation : si écrire sur la façon dont vous voulez vous faire du mal ne fonctionne pas, essayez la psychologie inversée : ce n'est pas génial, mais ça a parfois fonctionné sur moi par le passé. Voilà comment ça se passe :

Vous ne vous ferez pas de mal parce que vous savez que c'est une technique d'adaptation (malsaine) qui vous soulagera, mais vous ne voulez pas vous soulager tout de suite parce que vous ne le méritez pas.

Réfléchissez : qu'est-ce que vous voulez en ce moment ? Vous faire du mal.

Et qu'est-ce que vous ne méritez pas ? Avoir ce que vous voulez.

Quelle est donc la meilleure façon d'y parvenir ? Faire exactement le contraire de ce que vous voulez.

Et qu'est-ce que ça pourrait être ?

  • Prendre soin de soi comme le conseillerait toute feuille de chou qui se respecte : prendre une bonne douche avec un savon qui sent bon, par exemple ;
  • Faire quelques travaux de jardinage (ça vous ennuiera ET ce sera un geste apprécié de votre partenaire qui le mérite, ou de vous-même alors que vous ne méritez pas un aussi bel endroit) ;
  • Faire de l'exercice physique (faites une activité que vous aimez, autrement dit prenez soin de vous, ou alors faites une activité que vous détestez, ce qui revient à un autre type de punition qui au passage fera quand même du bien à votre corps) ; etc.



Si vous n’arrivez pas à remplacer le geste ou la substance par une alternative saine, vous pouvez envisager une thérapie courte comme l'hypnose ericksonienne (particulièrement efficace pour les dépendances comme le tabagisme).

 

Décompressez

Bon, être soumis·e à beaucoup de stress et de pression n’aide clairement pas. En fait, c'est peut-être ce qui vous a mené·e à développer votre habitude ou votre dépendance. Beaucoup de comportements de dépendance, dont l'automutilation - mais pas seulement - consistent à trouver un moyen d'évacuer l'anxiété et de vous libérer du stress.

Et puis, le fait de connaître ces facteurs de stress et ces déclencheurs constitue une grosse, grosse partie de la résolution de vos problèmes, pour améliorer vos relations et pour vous libérer des substances ou des comportements qui vous rendent dépendant·e.

Vous allez donc devoir apporter du changement dans votre vie quotidienne, même si ça peut paraître insignifiant ou difficile, pour que votre cerveau se repose. Par exemple, ça peut vouloir dire concrètement :

 

  • Ne pas voir les gens que vous êtes "censé·e voir" s'ils et elles vous rendent anxieu·x·se ou vous mettent sous pression : parents, beaux-parents, collègues, voisin·e·ss... À un moment donné, vous allez devoir prendre soin de vous si vous voulez mener une vie agréable. Les attentes sociales sont souvent des conneries : n'hésitez pas à vous entourer de gentillesse et d'empathie, et à couper ou limiter les relations toxiques (je ne dis pas que certaines personnes sont toxiques ; je dis que votre relation avec certaines personnes pourrait être toxique. Il y a une différence). Vous ne devez aux gens que le respect de base si vous n'avez pas choisi de les avoir dans votre vie au départ.

 

  • Mieux vous organiser et prendre l'habitude de visualiser votre semaine ou votre journée à l'avance avec un calendrier. Ça peut sembler basique, voire même inutile... Mais personnellement, j'ai vraiment constaté que ça réduit mon anxiété !
    • J'ai commencé à inclure aussi d'autres personnes là-dedans:
      • Par exemple, en demandant à ma belle-mère de m’informer de toutes les activités sociales auxquelles on allait participer chez elle pendant les vacances de Noël, afin que je puisse les écrire et y être préparée. Elle l'a fait avec gentillesse et ne s'est même pas moquée de moi parce que je voulais toujours prévoir les choses !
      • Vous pouvez également utiliser un calendrier familial ou planning de colocation où chacun écrit ses obligations ordinaires (ça a beaucoup aidé dans le cadre de notre colocation à 5 personnes pendant mon année d'études à l'étranger).
    • Ça peut aussi aider à programmer des temps de repos... et à en assurer le suivi. C'est ce que nous faisons désormais automatiquement avec mon mari quand on organise des activités avec des ami·e·s ou de la famille : si possible, un week-end comprenant une sortie sera suivi d'un week-end sans sortie. C'est la même chose pour les soirées en semaine, mais on essaye de les limiter autant que possible.
    • Ça devrait s'avérer utile pour identifier les situations ou les moments déclencheurs (vous êtes peut-être plus vulnérable le matin juste après le réveil par exemple, ou le soir après une longue journée de travail).
    • Utiliser un calendrier en ligne comme celui de Google peut vous aider à ne jamais le perdre, ou à oublier de le transférer quand vous changez de porte-monnaie (je vous vois hocher la tête, là-bas au fond).



  • Connaître vos déclencheurs (de stress ou autres) et les éviter - si possible. Bien sûr, l'idée ici n'est pas de limiter le nombre de situations que vous pouvez accepter au point que vous ne puissiez plus sortir de la maison. Mais certaines d'entre elles peuvent ne pas être nécessaires du tout, ou alors facilement transformées :
    • Vous trouvez que prendre le métro est difficile, effrayant ou malsain ? Passez au bus, au tramway ou au vélo.
    • Le transport public dans son ensemble est stressant pour vous ? Voyez si le fait d'avoir un casque (voire un casque avec réduction de bruit) à la place d’une paire d’écouteurs vous aide : personnellement ça me soulage énormément, surtout si j'établis une liste de lecture calme ou joyeuse avant de quitter la maison.
    • Vous êtes anxieu·x·se à l'idée de déjeuner avec des collègues dont vous n'êtes pas proche ? Il suffit de regarder la dernière vidéo de votre YouTubeu·r·se préféré·e, d'écouter un podcast ou de lire ce long article qui vous attend depuis des jours, et de déjeuner seul·e. Il n’y a pas de honte à avoir.
    • Vous vous trouvez plus facilement en colère quand vous faites des courses le samedi ? Bien que ça ne se voie pas immédiatement, c'est peut-être parce que la foule a tendance à vous mettre sur vos gardes. Ce n’est pas grave si c’est un facteur de stress pour vous, mais pas pour les autres. Faites vos courses deux ou trois fois dans la semaine ou achetez vos produits dans les boucheries, les laiteries et les boulangeries. Vous pouvez aussi commander en ligne !



Un TOC pourrait expliquer des comportements répétitifs mais nécessaires que vous ne comprenez pas vous-même. Vérifiez en vous-même si vous avez déjà eu des pensées anxieuses et intrusives : des pensées bizarres ou effrayantes qui n'ont aucun sens, qui semblent irrationnelles ou étrangères.

Si vous avez un doute quelconque, ou si vous êtes fermement convaincu·e que vous n'avez pas de TOC mais que vous ne pouvez toujours pas expliquer ces comportements, prenez rendez-vous avec votre médecin généraliste ou un·e thérapeute : il n'y a aucune raison de vous faire une vie moins belle qu'elle ne pourrait l'être.

 

Soyez Dou·x·ce avec vous-même

Ça signifie être plus gentil·le avec soi-même et passer au renforcement positif plutôt qu'une punition. Conseil stupide ? Lisez la suite. Pas assez précis ? Voici quelques exemples :

 

  • J'ai personnellement trouvé qu'il était (curieusement) plus facile de ne pas me ronger les ongles lorsqu'ils sont vernis d'une couleur que j'aime. J'ai essayé de les vernir avec un vernis spécialement conçu pour avoir mauvais goût, mais ça n'a pas marché du tout. Je me punissais moi-même en cédant à mon envie et en étant physiquement punie pour ça, et puis ça ne faisait que renforcer ma conviction que j'étais une mauvaise personne et que je méritais d’aller mal. Bref, ça ne m'a pas aidée.

 

  • Même chose pour l'automutilation : ne pas céder à l'envie de me faire du mal physiquement et prendre une bonne et longue douche à la place fait disparaître l'envie beaucoup plus vite que de me faire du mal encore et encore jusqu'à ce que je sente que c'est suffisant. Et la première option est beaucoup moins dangereuse.

 

  • Un autre exemple qui montre que le renforcement positif fonctionne mieux : si je veux me faire du mal ou si je veux me gaver d'un aliment spécifique, me récompenser avec un beau vêtement ou un nouveau jeu vidéo pour avoir combattu l'envie m'aidera beaucoup plus la prochaine fois que de me punir chaque fois que je cède. C'est parce que je peux décider d'endurer des punitions ; l'éducation positive est tellement plus motivante (c'est d'ailleurs ainsi que les psychopathes (article témoignage en anglais) sont traité·e·s dans les cliniques spécialisées).

 

Distrayez-vous

Je vais vous en dire plus, mais voici le message clé : chaque fois que vous ressentez une pulsion, ne restez pas assis·e à essayer de la combattre, faites quelque chose. N'importe quoi. Ça rendra les choses beaucoup plus facile.

 

Les pulsions durent généralement 15 minutes max. En plus, avec le temps, ces mêmes envies deviendront de moins en moins fréquentes et de moins en moins intenses. Donc plus vous vous accrocherez, plus ça deviendra facile.

 

Trois choses à retenir, avant de passer à des exemples concrets d'activités :

  • Premièrement, souvenez-vous qu’on parle ici de pulsions, donc oui, elles vont passer - mais ça ne veut pas dire que votre désir et votre besoin d’avoir ce comportement ou cette substance vont également disparaître. Vous en aurez toujours envie, mais ce sera beaucoup plus facile à gérer et ça ne devrait pas trop vous gêner dans votre vie quotidienne.



  • Deuxièmement, l'envie peut ne pas disparaître en 15 minutes si vous êtes toujours exposé·e à un environnement ou à une situation fortement associée à votre comportement ou à votre consommation de substances. C'est ce qu'on appelle les déclencheurs : si l'envie ne passe pas, vous devrez vous éloigner de ces déclencheurs.



  • Troisièmement, ne commencez pas. J'ai constaté qu'il est beaucoup plus difficile de me détacher une fois que j'ai commencé à céder, tout simplement parce que la capacité à se fixer des limites réalistes et réalisables est encore à un niveau au-dessus par rapport au simple fait de refuser en bloc.



Pour parvenir à vous distraire et à attendre que l'envie s'en aille, il faudra être réaliste et faire preuve de compassion et d'acceptation envers soi-même. Ce sera difficile, ce sera douloureux, parfois même physiquement. Ça prendra du temps, du temps que vous auriez préféré consacrer à autre chose, ça perturbera votre vie quotidienne et vous ne réussirez probablement pas à le faire chaque fois. Sinon, on ne parlerait pas d'addiction ou de comportement addictif. Oui, vous n'auriez pas dû commencer à vous droguer du tout, oui c'est stupide de s'arracher les cheveux jusqu'à être à moitié chauve, oui vous ne devriez pas vous sentir aussi anxieux en partageant un bon dîner avec vos proches. Mais vous savez quoi ? ÇA N'AIDE PAS de se dire ça.

Alors allez-y. Pleurez. Soyez frustré·e. Frappez dans un oreiller. C’est bien.

Maintenant, concentrons-nous sur ce qui est, au lieu de ce qui devrait être, parce que c'est comme ça que les choses avancent et qu’on se sent mieux.

 

Alors, l’idée ce n’est pas de :

  • Écrire le roman du siècle
  • Créer une entreprise
  • Se rappeler toutes les erreurs qu’on a commises cette année et se juger pour chacune d'entre elles



Mais plutôt de :

  • Jouer à un jeu. Je vous suggère de le faire plutôt que de lire un livre ou d'écouter de la musique ou un podcast, parce qu'un jeu exige que vous soyez constamment actif et que vous soyez attentif pour réagir correctement, ce qui est exactement ce qu’on vise ici : concentrer toute votre attention sur autre chose que votre envie. En ce sens, ça peut fonctionner mieux et plus rapidement que de lire ou d'écouter, dont vous pouvez facilement être distrait·e.
    •  Comme le dit Lana del Rey, jouez à un jeu vidéo
    • Ou à n'importe quel jeu sur votre téléphone
    • Si vous n'avez aucun jeu disponible, coupez la connexion Internet de votre téléphone ou de votre ordinateur, ouvrez une page Google et jouez au jeu du T-Rex-j’ai-pas-Internet (jamais essayé ? Appuyez sur la barre Espace de votre clavier ou sur le dinosaure directement sur votre écran)
    • Un jeu de société avec des proches ou des collègues (faites une pause jeu au lieu d'une pause cigarette !)
    • Un Rubik's cube (c'est encore mieux d'en avoir un petit qui peut tenir dans votre poche ou votre sac à main)
    • Un objet à manipuler si vous en avez un. Si vous n'en avez pas, achetez-en un. Et pendant ce temps, faites glisser vos doigts sur quelque chose de dur COMME VOS CLÉS. Ahem.
    • Évitez les jeux d'alcool, évidemment, histoire que ça ne devienne pas une méthode d'adaptation malsaine dont vous aurez du mal à vous défaire ensuite.

 

  • Lire, regarder ou écouter quelque chose de drôle : ça aide à relâcher la tension ET ça vous met de bonne humeur

 

  • Manger quelque chose au goût fort, comme un chewing-gum - et n'hésitez pas à faire des bulles ! Ça demande de la concentration et une attention minutieuse : un mélange parfait d'intérêt et de défi... Le goût (et l'odorat) sont des sens très puissants qu'il est plus difficile d'ignorer (alors que vous pouvez simplement fermer les yeux ou détourner votre regard, mettre vos mains sur vos oreilles...) ; ça aidera donc votre corps à se concentrer automatiquement sur votre envie. Et puis, rien de plus facile que de prendre l'habitude de garder du chewing-gum dans son sac à main ou son sac à dos justement pour ce genre de cas.

 

  • Cuisiner est également une bonne idée :
    • Vous ferez appel à vos sens de l'odorat, du toucher et éventuellement du goût
    • Il vous faudra accorder une attention particulière à ce que vous voyez et ce que vous entendez (couper les légumes, faire bouillir l'eau...)
    • Cuisiner pour quelqu'un d'autre peut être une source de plaisir car c'est une forme d'attention, et cela peut aussi être un moment de connexion avec votre ou vos proches parce que vous partagerez un repas et une conversation
    • Cuisiner pour soi-même peut être source d’une attente agréable (un repas savoureux) pour remplacer votre envie
    • Vous ferez quelque chose considéré comme "utile" par votre cerveau, qui répondra à la culpabilité que vous pourriez ressentir à l'idée de devoir "perdre du temps" à combattre cette pulsion.



  • Faire du sport : dans ce cas, la course ou la marche sont idéales car elles ne nécessitent pas de matériel, peuvent être pratiquées où que vous soyez, et incluent un changement de décor qui peut s'avérer utile pour vous sortir de la situation déclenchante.

 

  • Prendre une douche très froide ou très chaude (attention quand même à ne pas vous brûler ou attraper un rhume) : il s'agit aussi de laisser un ou plusieurs de vos sens prendre le dessus, pour vous nettoyer littéralement de l'envie.

 

  • Compter mentalement (vous pouvez aussi taper quelque chose du doigt au même rythme), pour les moments où vous ne pouvez pas vous livrer à une activité comme un jeu, faire des bulles de chewing-gum ou écouter un podcast. Et puis, ça vous aidera d’essayer de battre votre propre record à chaque fois !

 

  • En parler à quelqu'un : soit en face à face, soit par téléphone, par SMS, en rejoignant un groupe de soutien... n’importe quoi qui vous convienne.

 

  • Avoir une conversation sur un sujet totalement différent : si vous ne voulez pas partager ce qui se passe en vous, très bien. Ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas engager une conversation pour vous distraire de votre envie ; personne n'a besoin de savoir. Assurez-vous de choisir un sujet qui vous intéresse et quelqu'un que vous aimez bien. Pas la peine d’ajouter le désir d'échapper à une conversation ennuyeuse à celui d’assouvir une envie irrésistible.

 

  • Écrire pour soi-même sur le sujet (cela fait partie de ce qu'on appelle le "urge surfing" en anglais, littéralement “surfer sur l’envie”) :
    • Décrivez d'abord ce que vous ressentez physiquement
    • Ensuite, décrivez votre environnement et ce qui se passe autour de vous à ce moment-là
    • Décrivez ensuite ce qui se passait jusqu'à ce que l'envie apparaisse
    • Ensuite, écrivez sur ce qui a pu la provoquer (vous n'avez pas besoin de connaître la réponse, mais penser aux causes de la pulsion est une façon de détourner votre esprit de l'envie réelle, sans l'ignorer complètement - et ça peut aussi vous aider à remarquer certains schémas comportementaux !).



Si vous ne pouvez faire aucune des activités mentionnées ci-dessus, ça vous sera plus utile d’accepter vos difficultés du moment, votre douleur, votre inconfort, etc. plutôt que d'essayer de les ignorer carrément. Accepter sans vous juger pour ces difficultés (c'est-à-dire rester sur "c'est comme ça que je me sens" et ne pas passer à "je ne devrais pas me sentir comme ça ou avoir cette envie") est un bon moyen de supprimer une partie de la puissance de l’envie, parce que vous ne dépensez pas votre énergie cérébrale à essayer de ne PAS RESSENTIR l'envie : votre combat consiste seulement à ne pas céder à l'envie, au lieu qu’il consiste à ne pas céder à l'envie ET à supprimer cette envie entièrement. C'est la deuxième partie du “urge surfing”.

Détends-toi, et dis-toi “Oui, ça fait mal, je sais”. N’essaye pas d’ignorer la douleur.

Lyra dans “La Tour des Anges” de Philip Pullman

  • Sur un plan plus préventif, vous pouvez vous trouver un nouveau hobby :
    • Vous pouvez décider que c'est ce que vous ferez chaque fois qu'une envie apparaîtra (tricoter par exemple)
    • Vous pouvez aussi l'inscrire comme activité quotidienne dans votre agenda, ce qui empêchera la pulsion de reprendre le dessus au moins dans ces moments-là (et ça constituera une distraction agréable, rapide et presque automatique si l'envie apparaît pendant le temps passé sur votre hobby). Dans ce cas, veillez à prévoir des pauses, des moments de calme dans votre agenda, pour ne pas vous retrouver encore plus stressé·e et en plus mauvaise posture lorsque vous combattez vos pulsions (voir Décompresser).



  • Enfin, vous pouvez simplement la remplacer par quelque chose de similaire : si vous avez envie de vous goinfrer d'un aliment spécifique, au lieu d'aller chercher les crackers, mangez beaucoup de carottes. Ce n'est pas aussi satisfaisant bien sûr, mais c'est au moins une façon d’avoir recours à des alternatives plus saines s’il n’est pas possible de tout arrêter sur l’instant.

 

Dé-catastrophez

Si vous êtes pris·e d’une pulsion, en y résistant, vous pensez probablement "Je ne peux pas y arriver. C'est insupportable. Je n'ai jamais autant souffert de ma vie". Eh bien, gardez à l'esprit que vos pensées peuvent précéder vos émotions, ce qui signifie que plus vous vous dites ou plus vous pensez que c'est insupportable, plus vous le ressentez. Essayez plutôt de vous dire que vous avez le pouvoir d’y résister, que vous avez effectivement vécu des moments plus difficiles dans votre vie.

 

Rappelez-vous la dernière fois que vous avez reçu un coup de pied dans les noix ; cette période de vie incroyablement douloureuse ; le jour où vous avez accouché ; cette intoxication alimentaire brutale... Est-ce que c’est vraiment comparable ? Est-ce que c’est vraiment insupportable ?

 

Et rappelez-vous : ces moments étaient extrêmement douloureux mais vous avez survécu ! Vous pouvez le faire aussi, ce n'est pas si douloureux que ça ! Cela décatastrophe votre discours sur la douleur causée par cette envie. Comme je l'ai dit, vos émotions et vos sentiments suivront le même chemin et cela deviendra plus supportable. Tenez bon.



Distanciez-vous

Premièrement, prenez de la distance par rapport aux effets agréables tirés du comportement addictif ou de la consommation de substances.

Lorsque vous pensez à votre envie, ou à l'objet de votre envie, qu'il s'agisse d'un comportement ou d'une substance, vous pensez nécessairement à tout le bien qu'elle vous procurerait. C'est tout à fait logique. Mais le moment est venu de mettre vos lunettes métaphoriques et de considérer la vue d'ensemble : quelles conséquences négatives se produiront si vous agissez en fonction de votre envie ? Pourquoi êtes-vous censé·e ne pas céder, quels sont les véritables inconvénients ? Essayez de faire appel à des images précises et percutantes de ces conséquences négatives.

 

  • Peut-être que vous vous sentirez physiquement mal après, parce que vous redescendez après le “high” de la drogue ou parce que votre peau ou votre estomac vous fait mal

 

  • Peut-être aussi que vous risquez d'aller en prison pour possession et consommation de drogues illégales.

 

  • Peut-être que vous ne serez pas en contact avec la réalité et que vous ne profiterez pas pleinement de la compagnie de vos proches.

 

  • Peut-être que votre jugement sera altéré et que vous déciderez de conduire alors que vous êtes sous l’influence d’une substance, au risque de mettre en danger des personnes innocentes.

 

  • Peut-être que vous deviendrez violent·e envers les personnes que vous aimez, que vous direz des choses que vous regretterez plus tard, et que vous gâcherez définitivement vos relations affectives.

 

  • Peut-être que vous vous blesserez plus que prévu. Que vous en porterez les cicatrices pour le restant de votre vie. Que votre partenaire, vos enfants ou vos parents se sentiront par la suite coupables de ne pas avoir pu vous arrêter, à chaque fois qu'ils verront vos cicatrices.

 

Ça peut être n'importe quoi -- pensez simplement à ce que vous ne voulez pas perdre à cause de cette envie.

 

Deuxièmement, prenez de la distance par rapport à votre propre personne, afin de penser plus clairement et de ressentir les choses moins intensément.

Imaginez que vous êtes avec un être cher, mais que les rôles sont inversés et que vous l'aidez à combattre cette pulsion. Que lui diriez-vous ? Quelles sont les conséquences négatives que vous lui rappelleriez ? Est-ce que vous penseriez qu'il ou elle peut y arriver, peut gagner la bataille ? Bien sûr que oui. Alors pourquoi ne pas croire en vous ?

Ou simplement, parlez-vous à vous-même comme à une autre personne : parlez doucement à l'autre vous. Aidez l'autre vous à lutter contre cette envie. Faites en sorte que l'autre croie en son propre pouvoir. Tout comme un·e ami·e le ferait pour... eh bien, pour vous.

 

Discourez (Parlez à haute voix)

Souvent, dire les choses à voix haute :

  • Renforce leur impact (utilisez ça pour vous encourager)

 

  • Vous aide à comprendre vos pensées de manière plus objective en les considérant comme si elles appartenaient à quelqu'un d'autre et, en tant que telles, à mieux évaluer leur valeur

 

  • Diminue leur emprise sur votre esprit. Elles prennent alors un aspect moins sérieux, moins dramatique, car le fait de leur enlever leur dimension secrète diminue l’intensité du plaisir honteux ou du soulagement que vous ressentez face à votre comportement ou à votre consommation de substances. Dire nos envies à haute voix diminue le pouvoir qu’elles ont sur nous : particulièrement utile pour les automutilations et les pulsions suicidaires. Personnellement, je trouve que "Je veux passer l'heure qui suit à m'arracher les poils des cuisses jusqu'au dernier au lieu d'écrire mon livre parce que j'ai peur que mon mari divorce alors qu'il m'a dit 100 fois qu'il s'en fichait", ou encore "Je veux me suicider parce que je suis la pire personne au monde", sonne beaucoup plus idiot à haute voix. Et cela m'aide à ne pas agir en conséquence.



Voilà, j'espère que vous aurez trouvé ici quelques ressources. Sachez que vous POUVEZ vraiment le faire et souvenez-vous que, comme toutes les épreuves de la vie, ça passe. J'ai confiance en vous... faites de même !

Si vous avez d'autres idées ou stratégies pour combattre les pulsions, ou si vous avez remarqué quelque chose dont vous voulez discuter, n'hésitez pas à m'envoyer un mail à [email protected] ! Prenez soin de vous.

Le bleu est la couleur de l'espoir
Pas besoin de "s'aimer soi-même d'abord"