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Plan de Crise Conjoint, directives anticipées, Plan Personnel de Gestion de Crise... Comment bien anticiper une crise de santé mentale

Illustration: Julie K.

On sait tou·ŧe·s qu'on aimerait, au moment de la fin de notre vie, être traité·e avec dignité, compassion, et certain·e·s d'entre vous ont peut-être même déjà réfléchi à la manière dont vous aimeriez être médicalisé·e (ou pas). Eh bien, cela existe aussi pour les soins en santé mentale ! Et cela peut se révéler très utile en temps de crise.

En Suisse, on appelle ça un PCC (Plan de Crise Conjoint). En France, il est dénommé PPGC (Plan Personnel de Gestion de Crise). On parle aussi, plus largement, de directives anticipées. Bref, il existe un moyen de transmettre à vos actuel·le·s et futur·e·s soignant·e·s vos souhaits en matière de traitement en cas de crise de santé mentale (hallucinations violentes, crise suicidaire, crise de violence envers vous-même, TOC dangereux...) : un médicament qu'il faudrait éviter de vous donner parce que vous y êtes allergique ou à cause de ses effets secondaires sur votre organisme, un médicament de substitution que vous préférez, une manière favorite de vous calmer, les proches à contacter de façon prioritaire, etc.

Ce document vous sera également utile à vous directement : il vous permettra de vous rappeler ce que vous pouvez mettre en place à votre échelle pour aller mieux (une partie du plan, dont vous trouverez le modèle ci-dessous, y est dédiée).

 

Il faut savoir que légalement, en France comme en Suisse comme au Canada, ce document n'a aucune valeur particulière. Les soignant·e·s ne sont pas obligé·e·s de le suivre, ni n'ont même l'obligation d'en prendre connaissance. Mais ils et elles ne sont pas idiot·e·s : si vous leur faites parvenir ce document, ils et elles le liront très certainement, et tenteront dans la mesure du possible de le suivre, puisque ce sont là des recommandations que vous aurez élaborées avec des soignant·e·s qui vous connaissent bien (psychologue, psychiatre, infirmier·e dédié·e, pair-aidant·e...). L'idée est de leur permettre d'agir plus vite, et immédiatement dans la bonne direction, plutôt que de tâtonner et de risquer de vous administrer des traitements qui ne vous conviendraient pas.

Il faut savoir cependant que dans le canton de Vaud, en Suisse, il existe une instance de médiation de PCC (Plan de Crise Conjoint), pour les personnes dont le PCC n'aurait pas été respecté. Renseignez-vous à l'hôpital.

 

Tou·te·s les soignant·e·s n'ont pas connaissance de cette possibilité, loin de là. C'est pourquoi ils/elles ne vous demanderont sans doute pas ce document par eux et elles-mêmes, mais que cela ne vous empêche pas, si vous êtes en état, de le fournir ! L'idéal est de le garder par exemple dans votre portefeuille, avec la mention en rouge "En cas d'urgence". Cela attirera l'attention des premières personnes qui tenteront de vous porter secours, et vous l'aurez toujours sur vous.

Évidemment, vous pouvez vous inquiéter de la confidentialité d'un tel document. Oui, plus il sera facilement accessible, plus des personnes qui ne sont pas dans la confidence (et que vous ne souhaitez peut-être pas mettre dans la confidence) risquent de tomber dessus. C'est un risque non négligeable. Mais cela vous évitera peut-être, par exemple, une hospitalisation non consentie, qui serait elle notifiée d'office à vos proches ! Quant à craindre qu'un individu qui vous est inconnu vienne à savoir que vous souffrez d'un trouble psychique, je vous réponds que de toute façon, s'il essaie de vous venir en aide parce que vous êtes en crise, il vaut mieux qu'il sache ce qui se passe et comment vous aider...

Si vous craignez de perdre ce document s'il est au format papier, ce qui peut bien sûr arriver, vous pouvez en conserver une copie au format électronique : sur votre téléphone portable, dans un Drive ou OneDrive, ou dans un email que vous vous serez envoyé à vous-même, par exemple.

Par ailleurs, sachez que les auteur·e·s de ce site suisse travaillent à une solution pour pouvoir enregistrer votre Plan de Crise Conjoint dans une application ou sur un site sécurisé. Malheureusement, ce n'est pas pour tout de suite.

C'est bien sûr à vous de voir. Mais si vous souhaitez rédiger un Plan de Crise Conjoint / Plan Personnel de Gestion de Crise, continuez à lire cet article !

 

Le mieux est de télécharger sur ce site une version vierge d'un Plan de Crise Conjoint (si vous ne parvenez pas à l'ouvrir ou à le télécharger, faites clic droit puis Enregistrer Sous). Vous trouverez également ce flyer d'information qui peut être utile.

 

L'idée est de remplir ce document conjointement (d'où son nom suisse) avec vos proches et vos soignant·e·s régulier·e·s (infirmier·e dédié·e, psychologue, psychiatre, pair-aidant·e...). Quelques exemples de la façon dont vous pouvez répondre aux questions :

 

  • Qu’est-ce qui peut m’amener à une situation qui me dépasse et me mette en crise ?
    • Une dispute avec mon ou ma conjoint·e
    • Une déception amoureuse
    • Un contact quelconque avec l'un de mes parents
    • Le décès ou la maladie grave d'un·e proche, y compris mes animaux de compagnie
    • Une dispute ou une remontrance au travail
    • La prise d'une substance, y compris alcool ou tabac
    • La perspective de la séparation d'avec mes frères, la séparation elle-même
    • La perspective de visiter mes parents

 

  • Comment suis-je concrètement quand je suis en crise (pensées, émotions, réactions physiques, comportements) ?
    • Pensées :
      • Je me dénigre et pense que je ne vaux rien
    • Émotions :
      • J'éprouve de la tristesse, de la rage ou de la culpabilité
    • Réactions physiques :
      • Je pleure
      • Je tremble
      • Je transpire fortement
      • J'ai physiquement du mal à parler
      • J'ai du mal à trouver mes mots
      • J'ai la nausée
      • J'ai du mal à respirer
      • Je fais de la tachycardie
    • Comportements :
      • Je me fais du mal aux poignets avec mes ongles ou tout objet coupant à ma disposition, y compris coupe-ongles et autres
      • Je crie, y compris sur les gens que j'aime
      • Je suis rapidement suicidaire (prise de médicaments ou saut d'une fenêtre)

 

  • Y a-t-il d’autres signes qui apparaissent selon mon entourage ? [Demander à l'entourage de remplir cette partie, le cas échéant]

 

  • Que pourrais-je faire concrètement pour gérer cette situation difficile (mettre par ordre de priorité en favorisant d’abord les stratégies personnelles, puis celles de l’entourage et finalement celles nécessitant l’intervention de professionnel·le·s) ?
    • Stratégies personnelles :
      • Boire un verre d'eau
      • Faire un câlin avec mon ou ma conjoint·e ou mes animaux de compagnie
      • Prendre mon médicament calmant "si besoin"
      • Faire les colonnes de Beck ou mettre en place une autre stratégie de cette liste 
    • Stratégies nécessitant l'entourage :
      • Téléphoner, ou à défaut écrire, à un·e ami·e proche qui connaît mes difficultés [faire éventuellement une liste d'ami·e·s à garder sur soi ou sur son téléphone, pour les moments où l'on a l'impression de ne pas avoir d'ami·e·s]
      • Téléphoner à ma grand-mère
      • Téléphoner à ma belle-mère
      • Téléphoner à ma tante
    • Stratégies nécessitant des professionnel·le·s :
    • Envoyer un message ou téléphoner à mon ou ma psychologue / psychiatre / infirmier·e dédié·e
    • Appeler une ligne d'écoute [noter le nom et le numéro de la ligne d'écoute]
    • Contacter les urgences psychiatriques de l'hôpital le plus proche [noter le nom et le numéro de l'hôpital]
    • Contacter les urgences générales de l'hôpital le plus proche [noter le nom et le numéro de l'hôpital]
    • Contacter les urgences générales [comme le 112 en France ou le 911 en Amérique du Nord]

 

  • En cas de besoin, à qui puis-je demander de l’aide (nom, nature du lien ou rôle, tél ; mettre par ordre de priorité en favorisant d’abord le réseau des proches, puis des professionnel·le·s du réseau habituel, puis les services et institutions de garde) ?
    • Réseau des proches :
      • Mon ou ma conjoint·e [noter le nom et le numéro de téléphone]
      • Ma belle-mère [noter le nom et le numéro de téléphone]
      • Ma grand-mère [noter le nom et le numéro de téléphone]
      • Ma tante [noter le nom et le numéro de téléphone]
      • Ne pas contacter mes parents
    • Professionnel·le·s du réseau habituel :
      • Mon infirmier·e dédié·e
      • Mon ou ma psychologue
      • Mon ou ma psychiatre
    • Services et institutions de garde :
      • [Nom et numéro de l'hôpital psychiatrique de sa dernière hospitalisation, le cas échéant]
      • [Nom et numéro de l'hôpital psychiatrique le plus proche]

 

Quand je vais moins bien et/ou en cas de crise

  • Quels sont les soins que je souhaite recevoir ?
    • Je souhaite recevoir mon médicament calmant "si besoin" [noter le nom du médicament habituel]
    • Je souhaite pouvoir parler à un·e soignant·e de mon mal-être, j'ai besoin que cette personne soit ferme avec moi lorsque je suis suicidaire
  • Quels sont les soins que je souhaite éviter ? (argumenter les raisons du refus)
    • Je souhaite éviter l'hospitalisation complète, car cela me cause beaucoup d'angoisse d'être séparée de mon ou ma conjoint·e la nuit
    • Je souhaite éviter [nom du médicament], car il me cause un syndrome métabolique
    • Je souhaite éviter que l'on me touche, cela me cause de l'angoisse
  • Quelles sont alors les alternatives possibles ? (indispensable à renseigner en cas de refus de soins ou de traitements)
    • Je consens à être hospitalisé·e de jour
    • Je préfère recevoir [nom du médicament alternatif]
    • Je préfère que l'on me parle calmement, fermement, mais sans me toucher

 

  • Dans une situation de crise, quelles sont les démarches concrètes à faire ou à déléguer pour préserver mes intérêts et mon quotidien (courrier, garde d’enfants, animaux, domicile, travail,…nommer qui peut ou doit faire quoi, mettre les coordonnées des personnes afin qu’elles puissent être atteintes en cas de besoin) ?
    • J'ai besoin que l'on contacte [noter le nom de la personne] à mon université [noter le nom de l'établissement] au [noter les coordonnées] pour qu'une suspension de scolarité me soit proposée, ou au moins que mes enseignant·e·s soient prévenu·e·s de mon absence
    • J'ai besoin que l'on contacte [noter le nom de la personne] au [noter les coordonnées] pour qu'il/elle s'occupe de mes animaux de compagnie en mon absence. Il faudra lui confier mon trousseau de clés.

 

L'idéal est de revoir ce document et donc d'en faire une nouvelle version pour tout changement, au moins tous les 6 mois en période difficile, et sinon au moins une fois par an ou tous les deux ans.

 

Et voilà ! Vous avez votre plan en cas de crise de santé mentale ! Vous êtes paré·e au mieux.

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