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Elijah, diagnostiqué·e borderline : "les médicaments m'ont sauvé·e"

Illustration: Tony H.

Elijah est non-binaire, d'où l'emploi à la fois du masculin et du féminin dans ce texte. Merci, Elijah, pour ce témoignage !

 

La première fois que mon médecin généraliste m'a prescrit un antidépresseur et un anxiolytique, j'appréhendais beaucoup parce que je ne connaissais pas. C'étaient de nouveaux médicaments et le mot antidépresseur fait assez peur quand on ne connaît pas. À ce moment-là, je faisais une terrible dépression, j'avais beaucoup d'anxiété mais j'étais dans le déni.

 

Au début je n'ai pas osé prendre ces médicaments qu'on m'avait prescrits car j'avais lu les effets secondaires potentiels, qui m'avaient fait peur : nausées, vomissements, cauchemars, migraines, prise de poids pour les plus fréquents, et ne parlons pas de ceux qui sont peu fréquents voire rares... Ça n'a pas duré longtemps. Deux jours après je me suis dit "tant pis je vais les prendre". Je devais les prendre le matin. Je me suis donc réveillé·e, les ai pris... et malheureusement les effets secondaires ont eu raison de moi, j'ai fini par vomir le médicament à force de nausées. Heureusement petit à petit, ces nausées se sont atténuées mais j'avais un autre problème : j'étais complètement amorphe, mon cerveau était au ralenti, mes muscles ne suivaient plus, je ne pouvais pas rester debout, je dormais nuit et jour. Ça inquiétait mes proches mais apparemment c'était normal. Évidemment, la dépression n'aidait pas.

 

Normalement un antidépresseur commence à faire effet au bout de trois semaines à un mois, mais dans mon cas, à part être amorphe je ne ressentais aucun signe positif. J'ai été revoir le médecin qui m'a prescrit un nouvel antidépresseur. Les effets secondaires étaient toujours présents, mais toujours pas d'effet positif. Et ainsi de suite, j'en changeais mais rien de nouveau.

Au bout d'un moment j'en ai eu marre. J'ai dit stop et j'ai complètement abandonné, j'ai décidé de ne plus en prendre au point où j'étais contre les antidépresseurs. Je ne comprenais pas pourquoi ça marchait sur les autres et pas sur moi. Je me disais qu'ils se "droguaient" mais ne s'en rendaient pas compte. Je voyais des gens sous antidépresseurs aussi amorphes que je l'étais (car oui je l'étais toujours), et dans ma tête je leur disais "c'est l'antidépresseur, arrêtez-le, il ne vous fait pas de bien, il vous fait du mal mais vous ne vous en rendez pas compte". J'avais de la peine pour eux... Si bien que malgré les conseils du psychiatre je refusais d'en prendre.

 

Puis j'ai cessé de voir des psys. Jusqu'à un certain moment où, à force d'accumuler de la tristesse et du désespoir, j'ai éprouvé le besoin de retourner en voir. Heureusement, j'en ai trouvé une qui me convenait, qui ne me forçait pas à prendre des antidépresseurs.

Mais entre-temps, j'avais fini par faire beaucoup d'insomnies, je n'arrivais plus à dormir, je faisais nuit blanche sur nuit blanche. Ce qui, bien sûr, jouait d'autant plus sur mon moral.

je n'avais plus tellement le choix, il me fallait demander à ma psy des somnifères ou quelque chose qui calmerait mon anxiété, notamment la peur de ne pas réussir à m'endormir. Elle m'a donc prescrit deux anxiolytiques bien connus, qui marchaient assez bien. Avec le temps, j'y suis devenu·e "accro", dans le sens où je n'arrivais plus à m'endormir sans, mais je préférais ça plutôt que de faire des nuits blanches.

 

Un jour, ma psy m'a conseillé de prendre un antidépresseur, et comme je connaissais déjà à peu près ce que ça faisait, j'ai accepté malgré mes doutes. Je n'ai pas vraiment eu d'effet secondaire à part un peu de fatigue peut-être, je ne m'en souviens plus trop. Ce dont je me souviens, c'est que ça ne marchait pas et ma psy m'a donc prescrit un antipsychotique qui, lui, me faisait à nouveau faire des nuits blanches.

J'ai finalement été voir mon médecin généraliste, qui m'a donné un nouvel antidépresseur. J'étais persuadé· que ça ne marcherait pas, exactement comme les autres, mais 2 semaines après (ça va sûrement vous paraître ridicule), je me suis mis·e à vouloir faire le ménage (que je n'arrivais plus à faire par manque d'énergie dû à la dépression), à ouvrir mes volets par moi-même (chose que je n'arrivais pas à faire parce que je voulais vivre dans le noir), à me lever un peu plus tôt le matin (avant cela je me levais très tard), j'ai fini par sortir dehors seul·e sans faire de crise d'angoisse et surtout, je me sentais moins fatigué·e mentalement.

Au début je ne faisais pas vraiment attention à tous ces détails, pour moi c'était basique et je ne pensais pas que c'était dû à l'antidépresseur. Pour moi, un antidépresseur devait vous permettre de vous sentir bien, motivé·e et joyeux·se du jour au lendemain. Jusqu'à ce que ma psy me dise que c'étaient des progrès, que c'était l'antidépresseur qui me permettait de faire ces petites choses qu'avant j'étais incapable de faire.

On ne sait pas exactement comment, mais on sait qu'on se sent beaucoup moins fatigué·e moralement, comme si notre cerveau était entre repos, tranquillité et apaisement... Ça m'a fait bizarre sur le moment parce que j'avais essayé des tas d'antidépresseurs, j'avais fini par perdre espoir jusqu'à ce qu'on me trouve la bonne molécule... Jamais je n'aurais pensé qu'un jour un antidépresseur me ferait du bien comme ça, c'était inconcevable, pour moi il n'y avait plus aucune chance !

 

Malheureusement, peut-être 5, 6 mois après j'ai fait une intolérance à ce médicament. J'ai fini par l'arrêter d'un seul coup et en même pas une semaine les symptômes dépressifs et anxieux avaient réapparu et s'étaient même amplifiés. Je faisais d'énormes crises d'angoisse, je ne pouvais même plus sortir dehors seul·e, j'angoissais pour rien constamment, je n'avais plus aucune énergie et j'avais énormément d'idées noires et suicidaires. J'avais perdu foi en la vie, je n'avais plus aucun espoir. Je ne voulais cependant pas m'avouer que c'était l'arrêt du médicament qui en était la cause, dans ma tête c'était juste moi qui allais mal à nouveau.

On m'a alors prescrit des antidépresseurs d'autres familles, qui les premiers jours n'ont fait qu'aggraver mes idées suicidaires. J'étais devenu·e un légume. On me disait que dans deux semaines ça irait mieux mais absolument rien... Ça n'a fait qu'augmenter mon appétit alors je mangeais, je mangeais, je mangeais mais j'étais toujours aussi triste. Mon médecin généraliste m'a alors prescrit (encore) un nouvel antidépresseur. Une semaine passe... Je dors beaucoup mieux, mais je n'ose pas espérer, j'ai peur de retomber dans les insomnies... Les jours passent, mon sommeil est toujours au top, j'ai l'impression de me sentir mieux, plus énergique, plus souriant·e, moins fatigué·e moralement. Quatre mois après, c'est-à-dire aujourd'hui je me sens toujours mieux, même si j'ai des hauts et des bas. J'arrive à rester positive, j'ai envie de travailler, je veux rencontrer pleins de gens, je sors, je fais des promenades et le plus important c'est que je me sens heureuse... Sentiment que je n'avais plus éprouvé depuis très longtemps. Je profite de la vie.

 

Ne perdez jamais espoir ! Hier ça allait mal mais demain ça ira mieux. Je vous le promets. Regardez-moi : il y a deux mois, je me disais que je serais éternellement dans un désespoir profond, que je n'irais jamais bien, que c'était trop tard... et aujourd'hui me voilà toujours en vie et heureux·se grâce aux médicaments. Comme je l'ai dit au tout début de ce témoignage, j'étais dans le déni, je ne voulais pas aller mieux, ça me faisait peur, je ne voulais pas que les antidépresseurs marchent donc je suppose que mon cerveau a dû faire un blocage là-dessus et a refusé les antidépresseurs. S'il vous plaît, ne faites pas comme moi : faites confiance aux antidépresseurs. Il y a des gens qui ont des maladies chroniques et qui sont obligé·e·s de prendre des médicaments pour soulager la douleur, eh bien nous c'est pareil, on est malade et on a besoin de prendre des médicaments pour soulager cette douleur. Ne vous y fermez pas, ne soyez surtout pas dans le déni. Acceptez les antidépresseurs, vous verrez que vous finirez par vous sentir mieux sans même vous en rendre compte.

 

N'oubliez pas qu'un antidépresseur n'est pas censé vous rendre joyeux·se du jour au lendemain, mais il va vous permettre petit à petit de vous sentir mieux, vous redonner confiance en vous. Vous aurez envie de faire plus de choses, et au fur et à mesure vous irez mieux. Vous vous sentirez heureux·se. Ne cessez pas de prendre votre antidépresseur si vous avez des effets secondaires tels que la nausée, une grosse fatigue... C'est tout à fait normal. Bien sûr, si au bout d'un mois et demi vous ressentez toujours des effets indésirables et aucun changement du côté moral, changez de médicament, mais ne perdez pas espoir : il y a encore plein de médicaments qui vous attendent et vous finirez par trouver la bonne molécule. D'ailleurs, il est normal que vous vous sentiez très fatigué·e, que vous fassiez des siestes, c'est sûrement votre cerveau qui essaye de se reposer de toute la tristesse que vous avez accumulée. Le plus important, c'est que vous vous sentiez heureux·se et bien avec vos antidépresseurs. N'hésitez pas à en parler à votre médecin généraliste, psychiatre, ou même à une personne qui prend des antidépresseurs si ça peut vous rassurer. Vous aurez toujours des hauts et des bas, c'est la vie, mais grâce aux antidépresseurs, même pendant les moins bons moments vous réussirez à être positif·ve. Vous n'êtes pas seul·e.

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