La schizophrénie c'est (peut-être) du pipi de chat
C'est un peu plus compliqué que ça, mais il s'avère que l'apparition d'une schizophrénie pourrait être liée à un contact avec... du pipi de chat. Mais pas besoin de s'affoler et de mettre soudain votre meilleur ami·e (oui, je suis fermement partisane de l'amitié suprême entre chats et humains) à la porte par ces températures frisquettes : il s'agit d'un facteur parmi une multitude d'autres qui s'entremêlent pour mener à l'apparition d'une schizophrénie chez quelqu'un.
Et surtout, ce ne sont pas les chats en eux-mêmes qui sont responsables, mais bien le parasite toxoplasma gondii, autrement dit celui qui provoque la maladie infectieuse connue sous le nom de toxoplasmose. Maladie qui, au passage, est parfaitement bénigne (et ne provoque le plus souvent aucun symptôme), sauf pour les personnes enceintes et les personnes au système immunitaire affaibli. De plus, une fois la maladie contractée la personne se trouve immunisée à vie, et le parasite ne se transmet pas d'humain à humain.
La particularité de ce parasite est assez impressionnante : il se faufile jusqu'au cerveau de l'animal qu'il a infecté (de préférence à sang chaud), une souris par exemple, et exerce un contrôle qui pousse son hôte à rechercher activement son prédateur de choix, le chat. Pourquoi ? Parce que le chat est l'un des seuls animaux dans lesquels le parasite peut se reproduire. Du coup, la souris se fait manger par le chat et hop ! Le parasite se retrouve bien au chaud et peut se reproduire tranquillement. Rien à dire, c'est admirablement filou.
Des études avaient déjà établi des liens probables entre la contraction de parasites infectieux communs et des comportements humains particuliers, dont certains constituaient des symptômes reconnus de troubles mentaux. De là à dire que la toxoplasmose cause des maladies mentales, il y a un grand pas... que la nouvelle étude franchit bel et bien.
Avec plus de 11 000 participant·es, cette étude est la plus étendue réalisée à ce jour sur le sujet.
L'étude constate que chez les personnes diagnostiquéees comme souffrant d'une schizophrénie, le parasite toxoplasma gondii est bien plus souvent présent que chez les personnes non atteintes. Elle démontre ainsi des liens de causalité spécifiquement entre la toxoplasmose et les schizophrénies. L'association entre l'infection par ce virus et les schizophrénies est même plus forte que pour les facteurs génétiques et environnementaux dont on sait déjà qu'ils participent à l'apparition de la maladie, c'est dire si la piste est intéressante ! Et c'est pour cette raison qu'on peut même désormais parler de causalité, et non plus seulement de corrélation. L'étude note que par contre, l'infection par ce parasite n'est pas corrélée à l'apparition d'autres troubles mentaux que les schizophrénies.
L'équipe de recherche démontre également de forts liens entre l'infection par CMV (cytomégalovirus, de la famille des herpès, également bénin sauf pour les personnes enceintes et immunodéprimées) et l'apparition de n'importe quel trouble mental sévère (surtout les troubles de l'humeur).
Le hic ? On ne sait pas exactement quelle est la nature de ces liens. Par quelle action le virus responsable de la toxoplasmose augmente-t-il les risques de schizophrénie ? Même chose pour le CMV et les autres maladies mentales : que peut-il bien se passer dans le corps, en réaction à la présence de ces virus, pour qu'apparaissent des troubles mentaux tels que la dépression ou la bipolarité ? Pour l'instant, on n'a pas de réponse à cette question, même si on soupçonne que des changements dans le niveau de production de dopamine par le cerveau seraient en cause.
Il n'empêche que les résultats de cette étude sont extrêmement utiles : avec ce nouveau savoir, on pourrait imaginer mettre en place un dépistage de schizophrénie plus ciblé et qui interviendrait plus tôt, basé sur la présence ou non d'anticorps au parasite toxoplasma gondii.
Conclusion : pas de panique. Déjà, un chat d'appartement, qui ne chasse pas (donc n'engloutira pas de petit rongeur), ne contractera pas la toxoplasmose.
Ensuite, le parasite se transmet par le contact avec les selles, éventuellement l'urine, dudit chat et pas juste en le câlinant.
Enfin, comme dit plus haut, contracter la toxoplasmose n'est qu'un parmi beaucoup d'autres facteurs qui peuvent favoriser une schizophrénie : il est peu probable que vous soyez concerné·e si vous n'avez pas d'antécédents familiaux ou n'avez pas été exposée·e à l'un des facteurs environnementaux connus.
C'est bien plutôt un moyen de prévention et de dépistage qui se profile ici : par exemple si vous prévoyez de porter des enfants dans votre ventre, et d'autant plus si vous avez des antécédent familiaux connus de schizophrénie, il serait bon pour l'avenir de l'enfant de déterminer si vous avez déjà été en contact avec le parasite toxoplasma gondii (si la réponse est non, vous devrez faire attention à ne pas contracter la toxoplasmose pendant votre grossesse). Une simple prise de sang pourra répondre à cette question. Ensuite, sachant que 75% des troubles mentaux apparaissent à l'adolescence et avant 25 ans, le mieux reste de surveiller les personnes à risque (donc, ayant déjà contracté la toxoplasmose ET ayant été exposées à des facteurs génétiques et/ou environnementaux) pour pouvoir les prendre en charge médicalement dès que les premiers signes de schizophrénie se manifestent.
Plus on met la personne sous traitement tôt, mieux celle-ci pourra se construire une vie normale et heureuse. Eh oui, parce qu'on peut être atteint·e de schizophrénie et vivre très bien !
Pour aller plus loin
- Ici un témoignage plein de conseils précis et concrets sur la façon d'aider un·e proche à gérer une crise psychotique