EMDR, la thérapie qui guérit les traumatismes
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L'EMDR (de l'anglais Eye Movement Desensitization and Reprocessing, la désensibilisation et le re-traitement par le mouvement des yeux), vous en avez peut-être entendu parler comme d'une thérapie qui "efface les mauvais souvenirs". C'est un peu plus compliqué que ça, et heureusement d'ailleurs, mais c'est quand même incroyablement efficace. Alors voici tout ce que vous devez savoir sur l'EMDR, son fonctionnement, son efficacité, son déroulement et comment trouver un·e thérapeute qui la pratique.
Une thérapie extrêmement efficace
La chose à retenir, c'est que l'EMDR, ça marche. Les études qui ont été faites sur le sujet (voir Aller plus loin au bas de l'article) démontrent qu'une impressionnante majorité des patient·e·s se trouvent guéri·e·s (oui, vous avez bien lu) après un certain nombre (variable) de séances. Et même si, justement, le nombre de ces séances est plus ou moins grand, il reste incroyablement inférieur aux thérapies plus classiques (parfois, seulement trois séances ont suffi !). La thérapie EMDR a été à l'origine développée pour les personnes souffrant de Stress Post-Traumatique, mais elle commence également à faire ses preuves pour délivrer de l'anxiété, de la dépression, des troubles du comportement alimentaire, ou encore pour traiter les addictions, les troubles psychotiques et les phobies.
Il reste à déterminer ce qui était, dans chacune de ces études, considéré comme une séance : en effet, comme vous le verrez dans l'explication du déroulement, il y a des séances préparatoires avant les séances d'EMDR proprement dites. Les critiques de cette thérapie pointent également du doigt le fait que les études comprenaient à chaque fois un petit nombre seulement de participant·e·s.
Mais l'éminente APA (American Psychiatric Association, l'Association Américaine de Psychiatrie) recommande l'EMDR pour les personnes victimes de traumatismes, tout comme les non moins éminents Department of Veterans Affairs (Département des Ancien·ne·s Combattant·e·s des États-Unis) et Department of Defense (Département de la Défense) américains.
Toujours est-il que l'EMDR est considérée comme une thérapie courte, contrairement par exemple à une psychanalyse.
On parle de l'EMDR comme d'une thérapie "récente" mais elle date tout de même de 1987. Pour la petite histoire, son inventrice Francine Shapiro se promenait dans les bois (pendant qu'le loup n'est pas là...), en proie à des pensées sombres et angoissantes, lorsqu'elle s'aperçut que sa détresse était diminuée par le fait de jeter rapidement un regard à droite puis à gauche (pour regarder le paysage) et rebelote. Et voilà ! L'EMDR était née.
Un fonctionnement encore incertain
Et je ne veux pas dire par là que l'on ne sait pas si ça marche ! Comme dit précédemment, oui, ça marche -- et même hyper bien. Ce dont on n'est pas certain·e, c'est de savoir comment ça marche exactement...
Il existe plusieurs hypothèses : le fait de stimuler le corps bilatéralement tout en se remémorant des souvenirs douloureux pourrait constituer une diversion pour l'esprit, ce qui fait que vous avez une réponse psychologique moins forte à chaque fois puisque vous n'êtes pas entièrement concentré·e sur le souvenir.
Une autre hypothèse explique que ce mouvement particulier des yeux permet de répliquer le REM (Rapid Eye Movement, mouvement rapide des yeux) qui s'effectue lorsque nous dormons et nous permet naturellement de traiter les souvenirs ; or les traumatismes constituent des souvenirs qui n'ont pas, ou mal, été traités et sont donc "bloqués" dans la mémoire, causant des réminiscences douloureuses. Pendant ce re-traitement, le ou la thérapeute aide également à remplacer une croyance négative que le ou la patient·e a à propos de lui ou d'elle-même par une croyance positive (vous comprendrez plus concrètement cela dans la partie suivante décrivant les séances d'EMDR).
Toujours est-il que ça fonctionne ! Et pour comparaison, on n'est pas complètement sûr·e non plus de savoir comment fonctionnent les médicaments dans le cas de maladies psychiatriques... Mais on sait que les antidépresseurs, anxiolytiques et autres antipsychotiques fonctionnent pour certaines personnes. Cela n'altère en rien l'efficacité du traitement.
Le déroulement d'une thérapie EMDR
Il existe 3 grandes phases, divisées en 8 plus petites, dans la thérapie EMDR : la phase de préparation, la phase d'EMDR proprement dite, et la phase d'installation. Je vous en explique le déroulement ci-dessous, mais c'est pour votre simple information : pas de panique, vous n'avez rien à retenir ! Votre thérapeute vous guidera tout du long.
Durant la phase de préparation, vous discutez avec votre thérapeute de tous les éléments (dans le cas d'un traumatisme, essentiellement des souvenirs, donc) qui vous posent problème et vous causent les symptômes dont vous souhaitez vous débarrasser. Ce moment peut être assez éprouvant, car il nécessite de se rappeler, de se concentrer sur et de décrire les évènements traumatiques à votre thérapeute. Mais contrairement à une thérapie classique, vous n'avez besoin que de décrire les faits, pas spécialement les sentiments que vous avez pu éprouver, et une relative brève description suffira. Votre thérapeute établira donc une liste de souvenirs relatifs à votre ou vos traumatisme(s), tous ceux qui sont les plus significatifs et vivides dans votre mémoire.
Mais par ailleurs, votre thérapeute vous apprendra plusieurs techniques très concrètes pour vous calmer en cas de détresse, qui vous seront utiles non seulement pendant les futures sessions d'EMDR si le besoin s'en faisait ressentir, mais surtout en-dehors, lorsque votre thérapeute n'est pas là pour vous aider et que vous avez besoin de soulager votre détresse vous-même. J'ai notamment évoqué les colonnes de Beck dans cet article sur les attaques de panique et cet article sur l'anxiété. Votre thérapeute vous aidera très certainement également à vous constituer un refuge, un endroit que vous pourrez visualiser afin de vous apaiser en cas de difficultés pendant les sessions d'EMDR.
Durant la phase d'EMDR proprement dite, vous re-traiterez les souvenirs traumatiques. Concrètement, il s'agira d'isoler, pour chaque souvenir, le moment le plus significatif, puis de se concentrer dessus.
Vous aurez auparavant défini une phrase qui exprime quelque chose de négatif de vous, liée à ce souvenir. Par exemple, pour un souvenir de viol, vous pourriez penser "Je le méritais". Votre thérapeute vous demandera également de donner une phrase positive à votre sujet, que vous pourriez penser à la place, par exemple "Je suis innocent·e", et de dire sur une certaine échelle à combien cette phrase résonne comme vraie (par exemple, sur une échelle de 1 à 7, avant que vous re-traitiez le souvenir, la phrase positive pourrait résonner comme vraie à seulement 1 ou 2). Votre thérapeute vous demandera également à combien, toujours sur une certaine échelle, ce souvenir vous cause de la détresse. L'idée est qu'après avoir re-traité le souvenir grâce à l'EMDR, votre souvenir ne sera plus ou presque plus traumatisant. Enfin, votre thérapeute vous demandera de faire un scan corporel pour déterminer où dans votre corps vous ressentez cette détresse.
À ce moment-là, plusieurs méthodes peuvent être employées pour réaliser une stimulation bilatérale : soit votre thérapeute vous demandera de suivre les mouvements de son doigt avec vos yeux, soit vous aurez une stimulation par des sons alternant entre votre oreille droite et votre oreille gauche, soit vous aurez, comme moi, à tapoter alternativement vos épaules droite et gauche avec vos mains.
Toujours est-il que, pendant que vous tapotez ou êtes autrement stimulé·e bilatéralement, vous devrez laisser venir à votre esprit toutes les pensées qui vous traversent, dont la plupart seront évidemment liées au souvenir traumatique et aux émotions qui y sont attachées. Vous verrez que cela vous permettra de "vider" un peu le trop-plein d'émotions. Mais surtout, pendant que vous y repensez, la stimulation bilatérale permettra à votre cerveau de traiter à nouveau le souvenir comme tout autre souvenir, et il sera ainsi "débloqué" : le traumatisme attaché disparaîtra petit à petit.
Comment votre thérapeute saura-t-il ou elle si votre souvenir est bien re-traité ? Vos pensées seront de plus en plus positives par rapport à votre estime de vous-même, or vous dites ce qui vous passe par la tête à votre thérapeute à intervalles réguliers. Par ailleurs, lorsque votre thérapeute vous demandera, à la fin de la séance, à combien vous estimez votre souvenir comme créant chez vous de la détresse, le chiffre sera de plus en plus petit car votre traumatisme s'effacera petit à petit -- mais pas le souvenir. Nous reparlerons d'ailleurs de ceci dans la partie suivante, Le résultat concret d'une thérapie EMDR.
Enfin, la troisième phase est constituée de l'installation. Il s'agit cette fois de repenser au souvenir traumatisant, mais en même temps à la phrase positive. Vous pourrez à ce moment-là l'ajuster si vous en trouvez une mieux appropriée. Il s'agira enfin de déterminer à combien cette phrase résonne vrai en vous, puis de continuer l'EMDR si le chiffre n'est pas assez élevé.
Le résultat concret d'une thérapie EMDR
Tout ceci peut vous paraître à la fois un peu vague et un peu technique, mais comme je vous le disais, c'est simplement pour vous rassurer quant au déroulement d'une séance EMDR. Rien de particulièrement difficile, vous serez guidé·e tout du long.
Il peut y avoir cependant des "effets secondaires", l'EMDR n'est pas une thérapie entièrement facile puisque vous devez vous concentrer sur vos traumatismes et vos peurs. Vous pourriez donc : vous sentir très fatigué·e, avoir des vertiges, avoir la nausée, ou même revivre le traumatisme (mais c'est pour le guérir et il vaut mieux le revivre en présence d'un·e thérapeute dans un cadre contrôlé, que seul·e sans crier gare lorsque vous êtes réactivé·e (triggered en anglais) par un élément dans votre vie actuelle). Vous pourriez également vous évanouir, ou subir d'importants symptômes de dissociation (sentiment que vous n'êtes plus dans votre corps, que votre corps ne vous appartient plus, voire que vous n'êtes plus dans la réalité, ce qui peut être très effrayant).
Mais votre thérapeute sera là pour vous accompagner tout du long, et pour veiller à ce que vous ne sortiez pas trop de votre fenêtre de tolérance : si vous êtes très traumatisé·e, le mieux est de vous assurer que votre thérapeute a de l'expérience en matière de traitement de traumatismes graves. N'abandonnez pas l'idée de faire de l'EMDR ! Entre de bonnes mains (et plus bas vous trouverez une liste de moyens pour trouver un·e thérapeute qui la pratique), vous pouvez être complètement débarrassé·e de vos traumatismes, phobies et autres symptômes douloureux.
Concrètement, à quoi ressemble un souvenir re-traité par EMDR ? Est-ce qu'on oublie le souvenir ? Est-ce qu'il n'est simplement plus douloureux et comment cela est-il possible ?
Alors non, on ne perd pas le souvenir, ce n'est pas de la science-fiction ! Par contre, oui, il n'est plus ou presque plus douloureux, vous pouvez y repenser avec apaisement (mais ça ne vous arrivera pas tellement parce que vous ne serez plus régulièrement réactivé·e) et parfois... il se modifie. C'était vraiment l'élément auquel je ne m'attendais pas, personnellement : pourtant la plupart de mes souvenirs traités par EMDR se sont trouvés modifiés au final. Je vous donne ci-dessous plusieurs souvenirs re-traités, issus de mon expérience personnelle :
- Le jour où j'ai vu ma soeur bébé pour la première fois (elle est décédée à 6 jours de vie) : ce souvenir, auparavant traumatique, est devenu un souvenir heureux car j'ai pu me concentrer sur le bonheur que j'ai éprouvé à la voir, et non sur le fait qu'à ce moment-là, je la suppliais tout bas de ne pas mourir.
- Un jour où mon père menaçait ma mère de la frapper : ce souvenir, absolument traumatique, s'est transformé pour passer comme en noir et blanc par rapport aux couleurs, comme appartenant à quelqu'un d'autre. Son intensité a fortement diminué, et le traumatisme qui allait avec aussi.
- Le jour où ma mère m'a emmenée choisir le pyjama d'enterrement de ma petite soeur : dans ce souvenir, désormais, il y a la moi d'aujourd'hui qui tient la main de la jeune moi d'alors, pour lui procurer soutien et encouragement. Ce souvenir n'a pas entièrement perdu son caractère terriblement triste, mais il n'est plus traumatique.
- Le jour où mon père a menacé de casser un verre sur la tête de ma mère, tout en tenant mon petit frère bébé dans ses bras : dans ce souvenir absolument terrible, la moi d'aujourd'hui se trouve désormais entre ma mère et mon père pour protéger celle-ci, et mon petit frère a disparu du souvenir, ce qui le rend moins traumatisant.
Ces exemples sont très personnels, et ne disent en rien comment cela se passera pour vous ; ce ne sont évidemment que des exemples. L'essentiel à vous rappeler est ceci : vous ne souffrirez plus de vos traumatismes. Par exemple, depuis, mon anxiété générale s'est beaucoup apaisée, je ne fais plus de crises de panique et considérablement moins de cauchemars, quand j'en faisais plusieurs par semaine voire plusieurs par nuit, lesquels me traumatisaient à leur tour.
Comment trouver un·e thérapeute qui pratique l'EMDR
Et maintenant, le plus important : à qui s'adresser pour faire de l'EMDR ?
- Pour les personnes vivant en France, je vous recommande vivement le site d'EMDR France . Leurs thérapeutes sont, comme le nom l'indique, formé·e·s à l'EMDR. Cette thérapie peut parfaitement se pratiquer par visioconférence (j'ai toujours fait mes séances via Skype et cela marche très bien !), donc n'hésitez pas à contacter plusieurs thérapeutes si vous n'en trouvez pas près de chez vous. Le site est en français, mais vous pouvez chercher des thérapeutes par département, dans les DOM-TOM ainsi qu'à l'étranger. EMDR France est affilié à EMDR Europe, ainsi qu'à l'institut Francine Shapiro aux États-Unis, mais pour la France l'annuaire d'EMDR France est le seul moyen d'avoir accès à des psys qui ont la certification EMDR Europe.
- Pour les personnes vivant en Europe, le mieux est de chercher l'association nationale du pays souhaité sur le site d'EMDR Europe.
- Pour les personnes anglophones, vous pouvez également chercher un·e thérapeute formé·e à l'EMDR sur le site de l'EMDR Institute (Institut de l'EMDR), le site est en anglais mais vous pourrez facilement simplement sélectionner le pays que vous souhaitez dans la liste déroulante des pays. Vous pouvez également chercher par ville.
- Pour les personnes anglophones, en particulier vivant aux États-Unis, vous pouvez également chercher un·e thérapeute formé·e à l'EMDR via le site de l'EMDR International Association (Association Internationale d'EMDR), le site est en anglais mais vous permet de faire des recherches très précises, même s'il n'y a pas beaucoup de thérapeutes hors des États-Unis.
- On ne sait jamais : demandez à votre thérapeute (psychologue ou psychiatre) s'il ou elle est formé·e à l'EMDR ! Pour trouver un·e psychiatre, c'est par ici et pour trouver un·e psychologue, c'est par là. Bon à savoir : en France, 3 organismes de formation sont validés par EMDR Europe : l'Institut Français d'EMDR, le DU d'EMDR de l'Université de Lorraine et l'Ecole Française de Psychothérapie EMDR. Certain·e·s psys ont bien fait leur formation dans l'un de ces 3 organismes mais n'ont pas encore la certification EMDR-Europe (qui n'est pas obligatoire et qui demande de remplir des étapes supplémentaires) et donc n'apparaîtront pas sur l'annuaire d'EMDR-France. Ainsi, si vous consultez un·e psy qui se dit thérapeute EMDR mais n'apparaît pas sur l'annuaire d'EMDR-France, vous pouvez lui demander à quel endroit il ou elle a effectué sa formation, pour s'assurer qu'il ou elle sera correctement formé·e à la pratique de l'EMDR.
Aller plus loin
- Une étude datant de 2012 sur 22 patient·e·s, déterminant que 77% des sujets ont vu leurs symptômes de psychose et de stress post-traumatique diminuer ou disparaître
- Une étude datant de 2002 sur 22 patient·e·s souffrant de stress post-traumatique, déterminant que l'EMDR était plus efficace et plus rapide que la thérapie d'exposition prolongée classique
- Une étude datant de 2004 sur 67 patient·e·s souffrant de stress post-traumatique, de dépression et/ou d'anxiété déterminant que l'EMDR était plus efficace sur le long terme qu'une thérapie standard, tout en nécessitant seulement un petit nombre de séances
- Une étude datant de 2015 sur 32 patient·e·s, déterminant que l'EMDR était efficace pour réduire voire éliminer totalement les symptômes de dépression