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Le burn-out de Leïla, étudiante à Sciences Po

Illustration: Salomé Sellouk

Leïla est étudiante à Sciences Po. Elle a fait une dépression anxieuse, et nous livre aujourd'hui son récit. Mille merci à elle !

 

"Je vous rassure tout de suite, me dit-elle les yeux rieurs d’un ton empreint d’assurance et de bienveillance, vous n’êtes pas folle. Vous avez développé un trouble anxieux généralisé, et la dépression a insidieusement pris le dessus. Vous faites une dépression. On va discuter, mais ne vous inquiétez pas, ça ne va pas durer, on va vous prendre en charge".

 

Ces quelques mots, ce diagnostic souvent décrié pour sa fonction classificatrice, pour l’étiquette qu’il sous-tend, par le fatalisme qu’il provoque chez certains, les discriminations et les méfiances qu’il englobe, c’est bel et bien ces quelques mots avec toute l’autorité qui leur est conférée par le statut de médecin de celle qui les prononce qui m’ont redonné une lueur d’espoir, un signe qu’il fallait continuer à s’accrocher, et qu’un nouveau chemin pourrait très probablement s’ouvrir. Avant, j’errais, incomprise par l’extérieur comme par mon propre intérieur, persuadée d’avoir perdu cette connexion avec le réel, et d’être ailleurs. J’étais là, les pieds ancrés dans le sol, mais l’esprit ailleurs. J’avais si honte de ma propre faiblesse, j’avais la désagréable sensation de sombrer peu à peu dans la folie tout en gardant cette part de lucidité, qui ne faisait que renforcer la culpabilité ressentie.

 

L’errance a été longue, sombre, et douloureuse. Elle a été marquée par une violence inédite envers ma propre personne. Car qui de mieux que soi pour connaître ses points faibles, choisir les mots adéquats d’une autoflagellation réussie, qui mieux pour savoir comment se punir ? Je ne suis pas ici pour édulcorer mon vécu, le rendre romanesque ou hollywoodien, je n’écris pas non plus pour me positionner en statut de victime. J’écris d’abord, parce que j’en ai besoin, j’écris ensuite pour une promesse faite à la personne que j’étais pendant cette période, une promesse à cette fille perdue dans ses pensées, constamment en larmes, constamment enfouis sous ses draps pour ne pas souffrir le monde. J’écris car je me sentais terriblement seule en l’absence d’une personne à qui m’identifier. J’écris car j’aurais aimé lire ce que vous lisez actuellement.

 

Vous n’aurez ici qu’une version écourtée. Les ellipses temporelles seront nécessairement de la partie. Mais l’essentiel, du moins l’essentiel que je souhaite partager est là.

 

J’ai grandi au Maroc, à Marrakech, dans une famille bien aimante et équilibrée. Avec beaucoup d’amour, beaucoup d’affection, et vous ne trouverez pas ici de reproches à leur encontre, car il n’en est rien, bien au contraire. J’ai accompli l’ensemble de ma scolarité au sein du système éducatif français à l’école Auguste Renoir, puis au Lycée Victor Hugo de Marrakech. Élève brillante comme en témoigneront mes nombreux bulletins de notes, et mes mentions très bien au brevet et au baccalauréat, malgré la fierté affichée, j’étais bien loin d’avoir de l’estime pour moi-même. Pour moi, ces réussites que tout le monde aimait afficher en exemple ou trouvait si formidables n’étaient pas vouées à durer, et n’étaient surtout pas gages de mon intelligence. Je n’avais pas confiance en moi, j’étais souvent sur la défensive avec les autres, et surtout, je détestais par-dessus tout qu’on me complimente sur mon travail ou ma réussite scolaire. L’une des disputes les plus récurrentes avec mon père était cette fierté qu’il avait lorsqu’il présentait mon parcours académique à des connaissances (amis, collègues ou famille), que je haïssais par-dessus tout, car si dans ses yeux se dessinait la fierté d’un père, pour moi ces compliments me renvoyaient vers une image de moi que je pensais complètement fausse et dénaturée. J’ai toujours sacrifié mes plaisirs personnels au service du travail : pour moi travailler signifiait souffrir. Et si je ne souffrais pas, c’est que je ne travaillais pas suffisamment. J’ai réussi, certes, mais à quel prix ? Intérieurement, j’étais convaincue d’être une coquille vide, qui n’avait ni désirs ni passions propres, qui n’était mue que par une envie irrépressible de réussite.

 

Je suis arrivée à Sciences Po, il faut l’avouer, un peu par hasard. J’avais un excellent dossier, mais je ne m’étais que très peu préparée pour l’oral, et disons le tout de suite : j’étais bien en deçà du niveau élitiste de Sciences Po. Je ne saurai jamais ce qui a fait pencher la balance en ma faveur. Peu importe. J’ai intégré Sciences Po, sur le campus de Menton, et évidemment, est arrivé ce qui devait nécessairement arriver.

 

Tous les manques d’estime de soi que j’avais enfouis pendant ces années de construction ont rejailli aussitôt confrontée à ces autres jeunes, cultivés, politisés, brillants. Mon premier semestre était terrible, j’étais prête à quitter Sciences Po sur le champ. Mais j’ai réussi à m’accrocher. Malgré mes réussites au sein de cette institution, cet environnement élitiste m’angoissait au plus profond de moi. Je ne me sentais pas à la hauteur. Et malgré trois années à Sciences Po, un bachelor en poche, je ne me sentais toujours pas légitime.

 

Au retour de mon année d’échange obligatoire en troisième année à l’Université de Pittsburgh aux États-Unis, j’ai choisi de m’orienter en Master de Droit Économique à Sciences Po.

Pour être honnête, j’avais sélectionné ce cursus pour plusieurs raisons : il me semblait professionnalisant, j’avais passé une année à Pittsburgh à étudier des introductions au droit, j’avais toujours été fascinée par le milieu judiciaire. Je savais que ce Master était extrêmement exigeant, qu’il fallait avoir les reins solides, mais ayant toujours été une adepte du "sacrifice au service du travail", j’étais prête à m’abandonner entièrement à mes études.

 

Pourtant, malgré mon enthousiasme, malgré mon envie d’apprendre et de réussir, au bout d’un mois, j’ai commencé à ressentir les premiers signes d’anxiété. Pas étonnant. S’enfermer toute la semaine pour étudier, ne plus voir personne, ne pas s’accorder de pauses ni de plaisirs, négliger son sommeil, tous ces comportements ne sont pas des germes de succès.

 

En octobre, je commence à être bien trop angoissée et à saturer. J’ai du mal à m’endormir également. Cela ne fait qu’un mois et demi que les cours ont commencé, je n’ai pas le droit d’être déjà épuisée. Au stress des études déjà difficiles à maîtriser pour des étudiants qui commencent le droit en niveau Master, s’ajoute celui de devoir entamer les recherches de stages de césure pour l’année qui suit. Comment peut-on me demander aussi tôt alors que je ne sais même pas encore ce qu’est le droit ? Et puis s’enchaînent les rencontres avec les grands cabinets d’avocat, où les hommes et les femmes que j’y rencontre ne m’inspirent pas. Un univers très masculin, où le travail est élevé au rang de divinité, et où l’environnement ne me semble pas très sain. Ces rencontres finissent de m’achever lorsqu’à la fin de chaque présentation je me demande bien dans quel domaine je pourrai travailler car rien ne semble m’inspirer. La compétition entre élèves pour s’adresser aux avocats, pour essayer d’attirer leur attention, pour leur prouver que l’on pourrait être un des leurs, au milieu de coupes de champagnes et de petites gourmandises me donnaient une étrange sensation de malaise.

 

La suite n’est plus très organisée, et reste plutôt floue dans ma tête en termes de chronologie exacte. Mais les faits, eux, je ne peux pas les oublier. Je les ai sentis dans toute ma chair.

 

Les quelques semaines qui ont suivi, l’angoisse s’est amplifiée. Difficultés à se concentrer, mais encore gérable. Ma mère prend la décision de venir me rendre visite. Et puis, je ne saurais dire comment, est arrivé un moment où je ne comprenais absolument plus ce que je lisais. Un moment où même des matières de langue, comme l’espagnol, devenaient une montagne. Je n’arrivais plus à rien.

 

Dès que j’ouvrais un livre je sentais l’angoisse me prendre à la gorge. Dès que je le refermais, je sentais la culpabilité me hanter. Je n’avais plus que mes larmes qui me servaient de refuge.

J’essayais de prendre l’air, je sortais marcher, j’essayais d’aller prendre des verres avec des amies, de faire des dîners, j’essayais de faire des soirées cinéma avec ma mère, j’essayais les tisanes pour le sommeil, mais rien. Évidemment, quand on a dépassé le point de rupture, il n’y a pas de retour possible. Il faut alors entamer un long chemin de reconstruction.

 

 

Un ensemble d’idées me traversaient la tête, mais j’étais obsédée par l’échec qui allait me tomber dessus, le mur que j’allais me prendre en pleine figure, et les justifications que je devais trouver vis-à-vis de Sciences Po. Je n’arrivais pas à leur faire comprendre ma détresse. Je voulais garder ma dignité, et jamais je n’ai pleuré devant un membre de l’administration. Avoir la voix tremblotante, certes, mais éclater en sanglots, c’était inacceptable pour moi. J’aurais peut-être dû. J’aurais peut-être eu davantage de bienveillance et d’accompagnement. Je me suis sentie abandonnée, ignorée, incomprise par une institution que j’estimais tant. Et je me suis sentie terriblement seule dans le néant qui prenait peu à peu place en moi.

 

Malgré mes visites au pôle santé et la rencontre avec une psychiatre, ma détresse n’était pas repérée. Alors, par peur de perdre ma place au sein de l’école, et après des semaines à forcer mon cerveau à faire un travail qu’il n’était plus capable de faire, j’ai fini par choisir de jouer un rôle jusqu’à la fin du semestre. Cette comédie a été rendue possible par l’organisation du Master, qui ne prévoyait pas de contrôle continu mais seulement des examens en fin de semestre. Ainsi, il me suffisait de donner l’impression de suivre mes cours pour ne pas avoir de reproches de la part de mes professeurs jusqu’à la fin du semestre. Je n’avais pas d’autre solution malheureusement. J’ai joué le beau rôle de la secrétaire. Toujours au premier rang à clapoter sur mon clavier, toujours à regarder les professeurs dans les yeux. Et semaine après semaine, évidemment, je ne comprenais presque plus rien. Je ne prenais même plus la peine d’enregistrer les notes que je prenais pendant les séances de cours, je savais très bien qu’elles n’avaient aucun sens. Je n’écoutais plus rien. J’étais ailleurs. Je n’arrivais pas à me comporter normalement avec mes camarades, même les conversations les plus basiques me demandaient de la réflexion, et j’évitais leur contact pour qu’on ne remarque pas cette absence de vie en moi.

 

 

Mes journées se résumaient à me réveiller sans en avoir l’envie, toujours éreintée malgré les heures de sommeil. Il m’arrivait de me coucher à 20h00 pour me réveiller à 10h00 la journée suivante. Ma chambre ne ressemblait plus à rien, je n’arrivais plus à cuisiner, je suis devenue une adepte des plats surgelés, et des commandes à domicile, quand je décidais de manger.

Souvent, dès le réveil, je pleurais. Je ne prenais même plus la peine de m’habiller convenablement. L’hygiène était devenue un souvenir lointain. Le soir à mon retour d’une journée au théâtre qu’était devenue ma vie à Sciences Po, je pleurais. Je pleurais souvent dans le métro, dans la rue, je pleurais beaucoup chez moi. Les propositions de sortie de mes proches étaient ignorées sous de faux prétexte « non, j’ai un mini-mémoire hyper important à rendre pour demain et je n’ai toujours pas fini », « je dois réviser ». En réalité, ma seule occupation était de pleurer et de me haïr.

 

J’étais désormais persuadée que j’étais plongée si profondément dans ma tristesse que je n’arriverais plus jamais à faire marcher arrière, ou à faire le sursaut nécessaire pour m’en sortir. J’avais l’impression d’être tombée dans une sorte de boue, ralentie, dans l’incapacité de réaliser mes souhaits. Il y avait un tel hiatus entre ma volonté et mes actions, que je m’en rendais malade.

 

Aux pensées anxieuses, ont succédé des pensées obsessionnelles qui se répétaient en boucle et me hantaient jour et nuit. J’étais à présent persuadée de ne plus savoir comment réfléchir. Et cette pensée qui résonnait en moi m’empêchait effectivement de réfléchir. La boucle était bouclée, je ne pouvais pas m’en sortir. Et comment quelqu’un d’extérieur pouvait-il m’aider à changer une pensée intérieure ? Je n’y croyais que très peu, j’étais persuadée d’être condamnée.

 

L’ellipse temporelle promise est nécessaire ici. Après deux mois de psychanalyse qui se sont soldées par un échec, étant donné mon incapacité à "penser" et prendre du recul, le semestre a pris fin. Je suis rentrée au Maroc. Mes parents ne comprenaient pas tout à fait mon état : le semestre était terminé, je devais être heureuse d’être en vacances non ?

 

Mais j’étais parvenue à un autre stade. J’avais la sensation d’avoir perdu le contrôle de mes pensées. Le contrôle de moi-même. Je n’arrivais plus à réfléchir et j’étais rongée par cette peur de ne plus jamais pouvoir penser. Et j’ai fini par me convaincre que je devais avoir une maladie. Que quelque chose n’allait pas dans mon cerveau.

 

 

J’ai pensé à mourir. A de nombreuses reprises. J’ai imaginé le scénario. J’avais de la haine envers Sciences Po, qui n’avait pas su repérer ma souffrance avant que je ne m’enfonce trop loin. J’étais persuadée que rien ne serait plus comme avant. Du haut de l’un des étages de la bibliothèque, il y avait souvent une fenêtre ouverte, sans barreau, qui donnait sur l’entrée principale de Sciences Po, au 27 rue Saint-Guillaume. Je voulais juste qu’on me prenne au sérieux, qu’on cesse de me renvoyer de service en service dans un va et vient qui m’était insupportable dans l’état de crise dans lequel j’étais. J’ai depuis fait la paix avec cette institution, qui m’a apporté bien des choses, mais qui à mon sens doit apprendre à évoluer tout en gardant son prestige et son excellence. J’ai voulu sauter par cette fenêtre, mais je n’en ai pas eu le courage, et j’avais encore un petit espoir qu’on me vienne en aide. Ma foi m’a énormément aidée.

 

 

Janvier 2020, je suis de retour à Paris. J’entame un stage de césure. Je n’étais pas dans mon état habituel, et j’avais l’impression que le seul moyen de garder ma place à Sciences Po était de faire un semestre de césure. La suspension de scolarité m’a été mentionnée une fois, rapidement à Sciences Po lors d’une séance avec la psychiatre, si rapidement que je pensais que cette suspension de scolarité remettrait en cause mes droits de bourse et mon statut de boursière. Alors par crainte et manque d’information, j’ai trouvé un stage. En parallèle, alors que les semaines avançaient et que ce nuage noir qui m’entourait ne s’atténuait pas, j’ai fini par prendre la décision d’aller voir une psychiatre. Pour moi, elle était mon ultime espoir. Je m’étais promis d’essayer une dernière fois d’aller mieux, et de ne plus essayer du tout en cas d’échec.

 

Je me souviens très bien l’avoir appelée un soir alors que je rentrais d’une journée de stage dans laquelle je me sentais plus qu’inutile et en position d’imposteur. Boîte vocale. Je laisse un message : "Bonsoir, alors voilà, j’aimerais prendre rendez-vous avec vous, dès que vous pouvez, je crois que je n’arrive plus à réfléchir, j’ai l’impression de ne plus me reconnaître".

 

Elle me rappelle le lendemain matin, et me donne un rendez-vous aussitôt le soir même. Rendez-vous est pris.

 

Après 45 minutes d’entretien, de nombreuses questions sur moi, mon passé, mon présent, mes émotions, ma famille, mon environnement amical, mes études, et bien d’autres choses, elle finit par me regarder dans les yeux.

 

"Je vous rassure tout de suite, me dit-elle les yeux rieurs d’un ton empreint d’assurance et de bienveillance, vous n’êtes pas folle. Vous avez développé un trouble anxieux généralisé, et la dépression a insidieusement pris le dessus. Vous faites une dépression. On va discuter, mais ne vous inquiétez pas, ça ne va pas durer, on va vous prendre en charge".

 

Dépression. 21 ans et dépression. Je suis à la fois soulagée et bouleversée. Ce mot me fait moins peur que l’inconnu. J’avais lu des centaines de sites Internet sur la dépression, mais à chaque fois, je me disais que je n’étais pas objective, et que si j’étais en dépression, quelqu’un aurait bien fini par me dire d’aller voir un·e psychiatre non ?

 

Elle m’explique en détail ce que cela signifie. Elle prend le temps de m’expliquer, au niveau émotionnel comme cognitif. Elle prend le temps de me rassurer. Qu’on prendra le temps de soigner ça. Car il s’agit d’une maladie, et elle se soigne.

 

Au bout d’une heure trente, elle me sert la main fermement, confiante. Depuis, je l’ai revue chaque semaine, j’ai commencé à apprécier ces rendez-vous hebdomadaires.

 

Nous avons parlé de dépression et de burn-out. Je crois qu’après une telle expérience, notre vision du monde change. Et paradoxalement, malgré toutes les larmes que j’ai pu verser, je suis reconnaissante d’avoir traversé ces vagues, car elles m’ont enfin permis d’être en accord avec moi-même.

 

Mais avant d’arriver à cette prise de recul dont je peux ici faire preuve, je suis passée par de longues périodes troubles de doutes et de découragement. Une fois passée la première séance chez la psychiatre, j’ai très vite réalisé qu’il ne s’agirait pas d’une baguette magique. Que je ne guérirai pas avant quelques mois.

 

J’ai beaucoup réfléchi avant d’écrire le paragraphe qui suit. D’abord, parce qu’il y a une certaine stigmatisation, ensuite, parce qu’il s’agit d’un sujet controversé y compris dans le monde médical. Mais après tout, je n’ai pas honte de m’exprimer sur ce sujet. J’ai pris un traitement antidépresseur. Une béquille comme on dit pour m’aider à aller mieux. Dans mon cas, c’était nécessaire, car l’anxiété avait tellement pris le contrôle de mon cerveau, que j’étais incapable d’avoir une lucidité suffisante pour pouvoir trouver des solutions à mes problèmes. Il y a ceux qui m’ont dit de ne pas en prendre, ceux qui m’ont regardée avec méfiance, ceux qui m’ont soutenue, ceux qui m’ont encouragée à les prendre.

 

J’ai choisi de suivre les propositions de mon médecin. Car tout était une question d’intuition. Je sentais qu’elle était compétente, je sentais que je ne serais pas simplement sous traitement médicamenteux et abandonnée à moi-même. Je sentais qu’il y avait une réelle réflexion derrière ce choix de m’imposer une nouvelle routine. J’ai choisi de croire qu’il y avait une part de biologique dans mon mal-être. Que je n’étais pas entièrement responsable de ce qu’il m’arrivait. J’ai choisi de prendre le risque que ça ne fonctionne pas, de prendre le risque que ça empire. J’ai choisi tout cet inconnu car je n’avais rien à y perdre.

 

Le premier mois, je me sentais complètement ailleurs. Toute l’anxiété que je ne ressentais que mentalement était à présent accompagnée de symptômes physiques, de tremblements, de tachycardies, et d’une fatigue extrême. J’avais l’impression de lutter quotidiennement contre le sommeil. J’avais entendu dire que les médicaments donnaient de l’effet au bout de trois semaines. Je comptais les jours. Je m’accrochais. Et puis les trois semaines sont passées. Et toujours rien. Puis le mois entier…Et rien. Et enfin, deux semaines plus tard, c’était étrange, j’ai eu envie et surtout le courage de sortir. J’ai pris soin de moi. Je me suis habillée, je me suis maquillée, et je suis sortie voir du monde. C’était très étrange, car j’avais à présent peur de la présence des autres, de devoir leur parler, d’échanger, moi qui aimais pourtant ça. J’ai toutefois réussi à surmonter cette peur.

 

Et petit à petit, j’ai eu de nouvelles envies. Je me suis forcée à certains moments. J’ai recommencé à découvrir les petits plaisirs de la vie. La psychothérapie m’a énormément aidée, moi qui y croyais très peu. Le pouvoir de la parole, c’est quelque chose.

 

J’ai eu la chance d’être accompagnée par une psychiatre extrêmement bienveillante et professionnelle. J’ai toujours eu confiance en elle et je pense que c’est ce lien également qui m’a permis d’avancer. Sans oublier le soutien inégalable de ma famille et de mes amies les plus proches.

 

Le confinement est ensuite arrivé. J’ai eu la chance d’être bien mieux au début ce confinement. J’ai choisi de le vivre seule. J’en avais besoin. J’ai pris le temps pour moi.

 

Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux. Je me suis battue, j’ai réussi à surmonter les difficultés. J’apprends aussi à prendre soin de moi, et j’ai de nouveaux rapports avec ma manière d’étudier et de travailler.

 

Je suis également extrêmement sensible aux questions qui entourent la santé mentale. Et je fais de la sensibilisation à ces questions une de mes activités.

 

Je me souviens avoir visionné des vidéos témoignages de personnes en dépression, d’avoir lu des forums, d’avoir moi-même publié sur des forums pour avoir des conseils, je me souviens avoir lu des articles de vulgarisation scientifique, des articles en français, en anglais, en espagnol pour m’en sortir, mais en réalité, j’ai fini par comprendre que malheureusement il n’y a pas de solution toute prête pour s’en sortir.

 

Ce qui est difficile avec la dépression, c’est son caractère à la fois profondément humain et universel, mais aussi profondément intime et singulier. Il n’y a pas une dépression, mais des dépressions. Il n’y a pas un remède clé, mais des remèdes.

 

J’aurais voulu à l’époque que l’on me dise comment m’en sortir : en réalité, il n’y avait pas de réponse. Car je suis profondément convaincue que la réponse se trouve en soi, et que les thérapeutes sont des guides éclairant la bonne voie parmi nos chemins intérieurs.

 

Battez-vous. Et faites-vous aider, il n’y a aucune honte ni faiblesse à cela !

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