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Comment les plantes m'ont aidée à accepter la maladie... et à me rétablir

Illustration: Tony H.

Content

Le diagnostic et le déniL’acceptationLa guérison

Merci à Audrey Debayle-Yarrow pour ce témoignage !

 

Le diagnostic et le déni

Recevoir un diagnostic n’est pas toujours aisé. Tout notre petit monde s’écroule, pour ainsi dire. Ma vie, pourtant très calme et très équilibrée, bascule un jour dans une crise de colère, une crise de tristesse, une dépression. L’envie de mourir m’habite. Je ne sais plus ce que je veux. Les abîmes m’encerclent.

Une visite chez le médecin, quelques questionnaires et évaluations plus tard, un diagnostic tombe : Vous êtes cyclothymique. Cyclo quoi ? Suis-je malade? Normale ? Quelle est la normalité ? Je ne comprends pas. L’incompréhension me hante et m’anime : Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait pour mériter cette sentence ? Que vais-je devenir maintenant ?

Viennent ensuite le déni et la colère. Le docteur, bien souvent mis sur un piédestal, devient en quelques minutes un démon, l’ennemi numéro un. De toute façon, il dit n’importe quoi, il ne comprend rien, il ne sait pas m’écouter, il veut juste me refiler des médicaments, il est payé par les laboratoires pharmaceutiques.

Des centaines de pensées traversent mon esprit. Je suis prête à croire n’importe quoi sauf le diagnostic. Je ne suis pas ce qu’il dit. Vraiment ? Le temps passe, les humeurs alternent et se succèdent sans logique. Un jour, c’est l’euphorie, l’autre jour, c’est la dépression la plus totale. Alors, je me questionne. Qu’est ce qui ne va pas dans ma tête ? La tristesse s’installe. Je m’isole de plus en plus. Toutes les émotions passent. La joie, la tristesse, la colère, la peur. J’ai peur d’être moi.

Je décide de retourner voir le médecin sans conviction. Il me parle de médicaments. Je ne suis pas prête. Je ne suis pas ‘folle’.

Peut-être pas folle, mais très seule.

 

Les premiers symptômes d’anxiété sont apparus vers l’âge de vingt-cinq ans. J’avais beaucoup de problèmes de sommeil et j’étais de plus en plus épuisée. Mon humeur oscillait rapidement. Je suis allée voir un médecin généraliste en France. Il m’a très vite référée à un psychiatre qui a diagnostiqué un trouble anxieux généralisé. Je suis allée le voir régulièrement en thérapie. J’ai pris également des sédatifs pour dormir. Ce premier épisode a été résorbé assez rapidement et mon sommeil est revenu peu à peu.

 

Quelques années plus tard, je décide de déménager avec mon conjoint au Canada. Les premiers temps se passent bien. Il y a deux ans, les symptômes d’insomnie reprennent. Je décide de voir un médecin qui me represcrit le même sédatif. Je pense que c’est passager mais cette fois, les choses sont vraiment différentes. Je ne dors pas mais je ne suis pas fatiguée. J’ai des projets plein la tête et je peux passer des jours sans dormir et me sentir bien... jusqu’à l’épuisement et la dépression car physiologiquement parlant, nous humains ne pouvons pas tenir très longtemps sans dormir. Le docteur m’envoie donc chez un psychologue et un psychiatre.

 

Pendant un an, les diagnostics ont changé. Le trouble anxieux est toujours là, mais un trouble de personnalité limite [aussi appelé trouble de la personnalité borderline, ndlr] s’est ajouté. Je ne comprends pas ce mot. J’ai honte. Je n’en parle à personne et surtout pas à ma famille. Mes parents ne sont pas d'un grand soutien. Dans la famille, les troubles de santé mentale sont tabous. Par conséquent, depuis le début, je cache ma condition à ma famille. Seul mon conjoint est au courant et me soutient, et c’est très important.

Je lis beaucoup à propos de la personnalité limite et je ne me reconnais pas. J’ignore donc le médecin. Mes troubles de sommeil s’accentuent et j’alterne toujours entre la folie des grandeurs et la dépression. Le psychologue parle de cyclothymie, le psychiatre appuie cet avis. Il décide de me donner des antidépresseurs que je rejette en bloc.

Pourtant je me sens de plus en plus mal et les idées noires s’installent de plus en plus. J’ai peur pour ma vie. Je lis beaucoup à propos de la cyclothymie. Cette fois, je me reconnais un peu. C’est le livre de Lou Lubie, Goupil ou face, qui retient le plus mon attention. Dans cette bande dessinée de vulgarisation, l'auteure explique sa cyclothymie avec beaucoup d’humour et beaucoup d’images. Pour moi, c’est ça la cyclothymie, une bipolarité qui alterne entre euphorie et dépression : dans un élan de créativité, mon cerveau s’emballe et je vis à deux cents à l’heure ; cette phase terminée, la dépression s’installe. Les cycles sont tellement rapprochés que la tête me tourne. C’est épuisant.

 

L’acceptation

Alors, dans cette insatisfaction et cette détresse, je cherche des alternatives. Les visites chez des acupuncteurs/trices, ostéopathes, naturopathes se succèdent. Je veux tout essayer. Je veux réussir par moi-même. Je veux faire mentir le docteur. J’entreprends même des études en herboristerie pour pouvoir me soigner toute seule sans l’aide de personne. Je suis trop fière pour abandonner.

 

L’herboristerie est une branche de la naturopathie. L’herboriste soigne avec les plantes médicinales qu’il/elle peut cultiver lui/elle-même, sécher et transformer. Les plantes médicinales peuvent se prendre en tisane, en teinture (macération dans l’alcool) ou en capsule (poudre de plantes séchées). Il y a beaucoup de plantes utiles contre l’insomnie et l’anxiété. Je les développe plus en détail dans mon roman, Le Labyrinthe d’Abigaelle.

L’ortie, Urtica dioica, est une plante reminéralisante qui a l’avantage de ne pas interagir avec la médication. Elle donne de l’énergie et l’envie de se lever le matin. Je la trouve très utile dans les phases dépressives. Elle ne contient pas de caféine donc n’empêche pas le sommeil.

L’avoine, Avena sativa, est aussi intéressante car elle reconstruit le système nerveux et ne présente aucune contre-indication. Elle apaise et calme. Elle est intéressante en cas d’insomnie.

La scutellaire, Scutellaria lateriflora, est anxiolytique mais peut interagir avec la médication. Il faut simplement demander à un·e pharmacien·ne avant de la consommer car chaque médication est différente.

Il y a beaucoup de plantes et je ne pourrais pas toutes les énumérer ici. Mon livre en contient beaucoup plus. Le tout est de les essayer car elles ne vont pas toutes fonctionner. C’est comme les médicaments, certains fonctionnent plus que d’autres. Pour les troubles d’humeur, la mélisse, Melissa officinalis, est ma préférée : elle permet de prendre la vie du bon côté. Je vous conseille de discuter avec un·e herboriste si vous souhaitez vous diriger vers cette solution naturelle tout en gardant votre médication.

 

Malgré tous ces efforts, ma vie ne s’arrange pas et je sombre toujours plus. Je m’épuise dans cette insomnie incontrôlable. Les idées noires reviennent. Je perds des amis qui ne me comprennent plus. Je m'en fais de nouveaux, aussi.

Puis vient le jour de la rencontre qui change tout : une thérapeute, une ostéopathe, me reçoit. Elle m’écoute avec empathie et me dit ces quelques mots : "Et si tu commençais par t’accepter et te donner un peu d’amour. Accepte la pathologie. Tu n’es pas la maladie. Toi, tu es toi. Mais cette pathologie fait partie de toi. Apprivoise-la et accepte l’aide et la médication. Les autres approches thérapeutiques comme la méditation, l’ostéopathie, l’acupuncture vont être complémentaires".

Ces mots touchent mon âme et je retourne voir le docteur pour lui parler de mon acceptation des médicaments. Le docteur accepte les plantes médicinales pour calmer mes craintes. Il m’entend. Nous cherchons ensemble le meilleur traitement pour combiner les deux.

 

La guérison

Ma vie commence à s’améliorer petit à petit. La médication, une fois acceptée, fonctionne à merveille sans trop d’effets secondaires. Les quelques effets secondaires consistent en des maux de tête au début et une légère nausée. D’ailleurs, si cela vous arrive, le gingembre sera votre ami. Il est l’ennemi numéro un des nausées et aide à la digestion. Pour les maux de tête, un peu d’huile essentielle de menthe poivrée sur les tempes. C’est très efficace.

 

Les plantes me rassurent et m’apaisent. Les thérapies manuelles comme l’ostéopathie et la massothérapie m’apprennent à lâcher prise. La méditation et l’hypnose ancrent ce bien-être. Aujourd’hui, je suis heureuse de prendre en charge ma vie. Les idées noires s’éloignent. Je suis en train de trouver mon équilibre.

Je poursuis mes études en herboristerie. Il me reste encore un an d’études mais je commence déjà à conseiller mon entourage. Je prends de plus en plus confiance en moi. Je travaille à temps plein en tant que réceptionniste pour payer mes études. J’écris aussi un deuxième roman. Je suis fière de mes accomplissements. Mon équilibre est établi et ma voie est trouvée.

 

Avant le diagnostic, j’étais commerciale. Ce métier était stressant et loin d'être en accord avec ma vraie nature. La transition a été anxiogène mais le résultat en vaut la peine. Une aide psychologique m'a été indispensable pour apaiser les doutes et les idéations suicidaires face aux obstacles. Le chemin est long. J'ai souvent dû interrompre mes études en phase dépressive mais je n’ai pas abandonné.

 

Je souhaite aider les personnes qui ont des troubles de santé mentale. J'ai commencé à prendre en charge quelques ami·e·s et c’est très valorisant de voir leur confiance et leurs progrès. Aujourd’hui, chaque nouvelle crise me fait moins peur. Je communique. Je ne suis plus seule. Je pense sincèrement que ce changement n’aurait pas été possible sans l’aide de cette union des médecines. Ici, il ne s’agit pas d’encenser les médecines alternatives ou d’enterrer les médicaments pharmaceutiques, mais bien d’unir les différentes forces pour aider l’être humain. Il ne s’agit pas de traiter une pathologie mais un être humain avec des difficultés et des émotions qui lui sont propres. Comprendre et se comprendre. Lors de l’écriture de mon roman, Le Labyrinthe d’Abigaelle, je voulais vraiment porter ce message. J’y mets à l’honneur psychiatres et herboristes. Grâce à eux et elles, j’ai pu enfin vaincre mes démons.

 

L’acceptation est primordiale dans ce processus de guérison et les médicaments aident à faire cette paix dans notre esprit. Chaque personne est différente et je vous invite à écouter votre cœur. Qu’est-ce qui vous fait du bien ? Pour moi, l’ostéopathie et l’hypnose sont salvateurs. De plus, chaque soir, je bois de la lavande (Lavandula angustifolia), de l’avoine et du basilic sacré (Ocimum sanctum). Je m’endors ainsi plus sereinement. Je continue à prendre ma médication et je n'en ai plus honte. La dose est au minimum en ce moment.

Mon bien-être est primordial. L’avis des autres n’est plus si important. S’ils ou elles ne m’acceptent pas, c’est leur problème. Aujourd’hui, je me sens épanouie et équilibrée. J’ai encore des hauts et des bas mais je sais désormais les reconnaître et j’agis en conséquence : en parlant et en m’entourant de thérapeutes et médecins bienveillant·e·s et professionnel·le·s.

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